ca. 1694

Charles Cotolendi, Arlequiniana

Paris, Delaulne, 1694

Extraits rapportés de comédies

A plusieurs reprises, les Arlequiniana rapportent quelques "beaux endroits" de comédies dont Arlequin est le protagoniste.

Dans une comédie, il y a une scène où Arlequin veut vendre sa maison. Il dit à l’acheteur qu’afin qu’il n’achète pas chat en poche, il lui en veut faire voir un échantillon et là-dessus, tirant de la basque de son casaquin un gros plâtras : « Voilà, dit-il, l’échantillon de la maison que je veux vous vendre. »

Dans une scène d’une autre comédie, il fait le gueux. Octave lui demande ce qu’il veut de lui. Arlequin le prie de lui donner l’aumône. Octave, pour le plaisanter, l’interroge sur plusieurs choses, entre autres combien il a de pères. Arlequin lui répond qu’il n’en a qu’un. Octave fait semblant de se fâcher contre lui et lui demande pourquoi il n’a qu’un père : "Je suis un pauvre homme, lui répond-il, et je n’ai pas moyen d’en avoir davantage".

Dans une autre scène, les archers le veulent mener en prison pour quelques fourberies qu’il a faites. Il dit qu’il n’y veut pas aller et que les volontés sont libres.

Dans une autre comédie, il feint le malade. Un médecin le guérit, après quoi il lui demande son paiement. Arlequin ne prétend point lui donner la somme qu’il veut avoir, Le médecin le fait assigner. Comme Arlequin est devant le juge, il dit qu’il ne veut point de la santé que le médecin lui a donnée. Il offre de la lui rendre, autrement qu’il est prêt de la déposer au greffe, que le médecin y dépose la maladie qu’il lui a ôtée et que chacun reprendra ce qui lui appartient.

Il y a une scène où il fait le valet sobre. Pasquariel le veut mener au cabaret. Arlequin n’y veut pas aller : "Le verre, dit-il, est la boîte de Pandore et c’est de là que sortent tous les maux".

P. 2.


Dans la comédie du procureur, la partie se plaint à Arlequin de lui avoir fait perdre son procès en tirant la principale pièce de son sac.

— Ne voyez-vous pas, lui répond-il pour la consoler, que je n’ai fait que cela que pour fonder un moyen de requête civile ? — Je ne veux point tâter de requête civile, dit l’autre tout en colère. — Fi, réplique Arlequin, c’est que vous n’avez point de goût : la requête civile est la roc-en-bole du procès.

Dans la même scène, si je ne me trompe, la partie veut s’accommoder. "Ce ne sera pas de mon avis, lui dit Arlequin. A mon âge, que je donnasse les mains à un accommodement ! on me chasserait de la communauté, ce serait tout ce que pourrait faire un de nos anciens et encore penserait-il à deux fois".

P. 298.


Dans la comédie de La Matrone d’Ephèse, la matrone, donnant à prendre le corps de son mari, au lieu du pendu que gardait son amant : "Au moins, lui dit-elle, attache-le bien, car si on le dérobait, je n’ai plus de mari à donner à pendre". Tout le monde sait cette comédie et une explication serait ennuyeuse.

Dans une autre comédie, Arlequin est indisposé et on lui ordonne le bain. Ensuite le médecin lui demande comme il a l’a trouvé : "Un peu humide", répond-il.

Une fois, il se veut battre contre Mezzetin qui est son rival auprès de Colombine. Comme d’un côté il connaît sa lâcheté et que, de l’autre, il est animé par son amour, il raisonne tout seul et tâche par ses réflexions de se donner du courage. Enfin il se ressouvient qu’il est brave et "Cela, dit-il, parce qu’il boit de l’eau de vie tous les jours".

P. 299.


Dans une autre comédie, Isabelle vient pour voir le docteur et, ne le trouvant pas, elle le veut attendre. Arlequin, qui est le valet de la maison, lui donne un fauteuil. Après quoi, il va quérir plusieurs instruments de chirurgie. Isabelle, surprise de cet appareil, lui demande ce qu’il veut faire. "Rien, Madame, vous trépaner seulement pour vous désennuyer en attendant que le docteur vienne" et comme, en s’en allant, elle le traite de fou : "Vous en avez besoin, lui crie-t-il, servez-vous de l’occasion, vous ne la trouverez pas toujours commode".

P. 301.


Une autre fois, il blâme tous ceux qui cachent leur conduite. Il dit qu’ils n’ont point d’honneur. Là-dessus on fait paraître le soleil au fond du théâtre. Aussitôt Arlequin fait semblant d’être pressé de quelque besoin naturel et, détachant son haut-de-chausses, il se met en état. Mezzetin vient et le trouve en cette posture. " — Fi, le vilain ! lui dit-il. — Pourquoi fi ? lui répond Arlequin. — Tu es un scélérat toi, mais moi je suis homme d’honneur, et je veux que le grand jour éclaire toutes mes actions."

P. 301.


Il y a une scène où il se cache la nuit dans une lanterne pour aller voir Colombine. Le guet l’aperçoit et lui demande ce qu’il fait là-dedans. "Je me promène", répond Arlequin. Le guet le veut faire descendre. Après avoir résisté, il obéit et, en descendant, il chante d’abord ces vers d’un opéra [Atys] : « Venez, venez, accourez tous / Cybèle va descendre » et puis ceux-ci [Psyché] « Descendez, mère des Amours / Venez nous donner de beaux jours ».

P. 302.

Ana disponible sur Google Books.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »