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[s. d.]
Jean Segrais, Segraisiana
Paris, Libraires associés, 1721
Les caractères de Racine
L'auteur du Segraisiana met en scène Pierre Corneille assistant à une tragédie de Racine, qui reproche aux caractères de manquer de vraisemblance sur la question des moeurs.
Malherbe n’est pas seulement le chef des poètes lyriques français. Il faut encore considérer qu’il a fait tous les autres qui ont suivi après lui. Il en est de même de Corneille qui a fait Racine, de même que les autres qui ont travaillé pour le théâtre sur le modèle qu’il en a donné et il n’y en a pas un d’eux qui l’ait surpassé. Je n’en excepte pas Racine lui-même, quand je lis ses pièces, et en voici la raison. C’est que la matière lui manque et qu’il ne dit que des choses très communes pour donner à ses scènes la longueur qu’elles doivent avoir. Mais il y a plus de matière dans une seule des scènes de Corneille qu’il n’y en a dans toute une pièce de Racine. Autre défaut de Racine, c’est que ses acteurs n’ont pas le caractère qu’ils doivent avoir. Etant une fois près de Corneille sur le théâtre à une représentation du Bajazet, il me dit : "Je me garderais bien de le dire à d’autre que vous, parce qu’on dirait que j’en parlerais par jalousie, mais prenez-y garde : il n’y a pas un seul personnage dans le Bajazet qui ait les sentiments qu’il doit avoir, et que l’on a à Constantinople. Ils ont tous, sous un habit turc, le sentiment qu’on a au milieu de la France." Il avait raison et l’on ne voit pas cela dans Corneille : le Romain y parle comme un Romain, le Grec comme un Grec, l’Indien comme un Indien et l’Espagnol comme un Espagnol.
Ana disponible sur Gallica.
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