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1662

Jean Chevalier, La désolation des filous

Chevalier (Jean Simonin dit), La Désolation des filous sur la défense des armes, ou les Malades qui se portent bien, Paris, P. Bienfait, 1662.

Emmener sa maîtresse voir La Toison d'or de Corneille

Dans cette comédie de Chevalier, un amoureux fait le projet d’emmener sa maîtresse voir la pièce à machines de Pierre Corneille La Toison d’or :

SCÈNE II.
La Roque - Guillot

LA ROQUE
Hélas que je suis malheureux !

GUILLOT
Qu'avez-vous ?

LA ROQUE
Je suis amoureux.

GUILLOT
Est-ce un si grand malheur mon Maître ?

LA ROQUE
Tout autant qu'il le saurait être,
Puisque je me vois maintenant
Fort amoureux et sans argent,
Peut-on voir un malheur semblable ?

GUILLOT
Il est vrai que c'est le diable,
Car le plus parfait amoureux
N'est qu'une bête étant un gueux,
Quoi Monsieur au clair de la lune
Espérez-vous faire fortune,
En courant comme un loup-garou
Sans savoir comment ni par où.
Vous achèverez votre course
Encore si votre pauvre bourse,
Avait le ventre bien enflé
Je serais un peu consolé,
Mais hélas Monsieur la pauvrette
Est si malingreuse et si nette,
Et dans un si piteux état
Que jamais rien ne fut si plat.

LA ROQUE
C'est là ce qui gêne mon âme
Parce qu'à l'objet qui m'enflamme,
Il doit faire voir ce trésor
Qu'on appelle La Toison d'or,
Dont les machines sans pareilles
Passent pour autant de merveilles.
Nous venons de faire dessein
D'aller nous divertir demain,
À cette illustre comédie.

GUILLOT
Ce dessein est une folie
Comment vous êtes assez fou
Pour faire l'amour sans un fou,
Si vous aviez dont la pistole
Vous seriez diablement le drôle,
C'est avoir l'esprit bien gaillard
Qu'aimer quand on n'a pas le liard.
L'argent fait aller la cuisine
Vive l'amour pourvu qu'on dîne.
On fait mal le passionné
Alors que l'on n'a pas dîné,
De sorte que si bon vous semble
Nous resterons d'accord ensemble,
Que pour être amant sans chagrin
Il faut posséder le douzain.
Je nomme donc votre entreprise
Avec respect une sottise.

Chevalier (Jean Simonin dit), La désolation des filous, sur La Défense des armes, ou les malades qui se portent bien, La Haye : Chez Adrian Moetjens, Marchand libraire près la Cour, à la librairie française, 1683, p. 11-13.

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