Par support > Pièces de théâtre > L'Académie des femmes

 

1661

Samuel Chappuzeau, L'Académie des femmes

Paris, A. Courbé, 1661

Jouer les réactions au théâtre

Pour se venger du rejet d'une précieuse, le pédant Hortense envoie son valet déguisé en marquis lui faire la cour. Dans cette scène de répétition du rôle, le comportement des marquis au théâtre est raillé.

Acte II, scène VI :

HORTENSE :
J’oubliais un article, et des plus importants :
Comme la comédie est le charme du temps,
Qu’elle attire, aujourd’hui qu’elle est dans un haut lustre,
Tout ce que la cour a de galant et d’illustre,
Sois des plus assidus à l’Hôtel, au Marais,
Pour faire l’esprit fort remarque les beaux traits ;
Au Cid, à Timocrate, à des pièces semblables,
Dis : "Les Corneilles sont tous deux inimitables ;
Les autres auprès d’eux ne sauraient qu’échouer".

GUILLOT :
Par pitié quelquefois il faut bien les louer,
Mais je crois qu’il est plus de la galanterie
De se moquer de tout, d’en faire la raillerie,
De trouver à redire au poète, à l’acteur,
De faire le critique et plaindre l’auditeur.
Je m’irai tout d'abord planter sur le théâtre,
Pour y faire à l’envi le galant, le folâtre ,
Observer de chacun le geste et le minois,
Étaler mes canons, me peigner trente fois ;
Durant les violons en marquer la cadence,
Ou bien en me carrant entrer en conférence,
Censurer tout le monde, y trouver du défaut ;
Quand une actrice sort (si l’actrice le vaut)
Dire un peu haut : « Marquis, vois-tu bien cette belle ?
Je ne me vante pas d’être bien avec elle,
Mais quand tu le voudras, nous la gouvernerons. »

HORTENSE :
Tu peux faire leçon à tous les fanfarons !
Ma foi, tu me surprends, et ton apprentissage,
A t’entendre parler, ne sent point son village.

GUILLOT :
J’ai servi quelque temps un vieux routier de cour
Qui vantait ses hauts faits et la nuit et le jour.
J’ai bien tout retenu.

HORTENSE :
Je le vois.

GUILLOT :
Laissez faire,
Je suis assez rusé, j’entends tout le mystère.
Quand je verrai sortir La Roque ou Floridor :
« Marquis, dirai-je encore, cet habit brillant d’or
Vient de moi. Qu’en dis-tu ? la seule petite oie
Me coûte cinq cents francs, tout en belle monnaie,
Car je paye comptant, demande à Perdrigeon ;
Dieu me sauve, il éclate et tout en est mignon,
Je le fis faire exprès pour le jour de l’entrée,
Et chacun admirait mon train et ma livrée.

Comédie en ligne sur Gallica p. 30


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »