Le comte dont le cœur était en mouvement fut à la comédie pour entendre pousser les beaux sentiments, et pour s’enivrer des flatteuses douceurs de la tendresse. L’on jouait ce jour-là une tragédie nouvelle, mais ce qui parut le plus nouveau à ses yeux fut une comédienne qui était depuis peu à Paris, et qui dans la plus belle parure du monde représentait un personnage si touchant que le comte en fut attendri à tout son rôle, et commença de l’aimer quand la tragédie finit. Il se désolait de ne la plus voir quand elle parût à la petite pièce sous d’autres ornements moins somptueux, mais plus agréables, et sous l’habit d’une paysanne des plus propres. Elle laissait voir un des plus aimables visages qui fut jamais. À cette seconde vue et à cette métamorphose, le comte redoubla les mouvements de son cœur, et ne pouvant refuser à son désir le plaisir de la connaître, il passa derrière le théâtre, et la trouvant dans son chemin, il lui dit, vous m’avez parue si belle que j’ai cru me tromper, mais maintenant que je vous examine de plus près je vous trouve vingt fois plus jolie. Hé depuis quand le public a-t-il le plaisir de vous voir ? Depuis quinze jours, reprit la belle comédienne, mon mari qui était le plus habile de la troupe de Lyon est venu ici pour remplir la place vacante, et comme je savais le rôle de cette pièce, j’ai pris le place d’une comédienne qui est malade.