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1700

Évariste Gherardi, Les Chinois

Paris, J. B. Cusson et Pierre Witte, 1700.

De l’Hôtel de Bourgogne à la Comédie-Française : deux expériences de spectateur

La dernière scène des Chinois, une comédie de Regnard et Dufresny créée en 1693, montre une joute oratoire entre Arlequin et Colombine, qui représentent respectivement les comédiens français et les Italiens. Colombine compare l'expérience du spectateur dans chacun des deux théâtres.

ARLEQUIN
Est-ce qu’un bourgeois doit plaindre trente sols pour être logé pendant deux heures dans l’hôtel le plus magnifique et le plus doré qui soit à Paris ?

COLOMBINE
Hé, ne vous vantez pas toutes les magnificences de votre hôtel. Votre théâtre, environné d’une grille de fer, ressemble plutôt à une prison, qu’à un lieu de plaisir. Est-ce pour la sûreté des jeunes gens qui sortent de la Cornemuse, ou de chez Rousseau, et pour les empêcher de se jeter dans le parterre, que vous mettez des garde-fous devant eux ? Les Italiens donnent un champ libre sur la scène à tout le monde. L’officier vient jusque sur le bord du théâtre, étaler impunément aux yeux du marchand la dorure qu’il lui doit encore. L’enfant de famille, sur les frontières de l’orchestre, fait la moue à l’usurier qui ne saurait lui demander ni le principal, ni les intérêts. Le fils, mêlé avec les acteurs, rit de voir son père avaricieux faire le pied de grue dans le parterre, pour lui laisser quinze sols de plus après sa mort. Enfin, le théâtre italien est le centre de la liberté, la source de la joie, l’asile des chagrins domestiques. Et quand on voit un homme à l’Hôtel de Bourgogne, on peut dire qu’il a laissé tout son chagrin chez lui, pourvu qu’il y ait laissé sa femme.

Jean-François Regnard et Charles Dufresny, Les Chinois, dans Évariste Gherardi, Le théâtre italien de Gherardi, ou le Recueil général de toutes les comédies et scènes françaises jouées par les comédiens italiens du roi, pendant tout le temps qu'ils ont été au service, Amsterdam, Isaac Elzevir, 1707, t. IV, p. 270-271.


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