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Par support > Pièces de théâtre > Le Divorce –
1700
Évariste Gherardi, Le Divorce
Paris, J. B. Cusson et Pierre Witte, 1700.
L'opéra versus la comédie italienne
Dans cette scène française que les comédiens italiens jouaient dans Le Divorce, une pièce de Regnard créée en 1688, Isabelle, Colombine et Arlequin, en quête de divertissement, comparent l'opéra et la comédie italienne. Isabelle s'ennuie à l'opéra ; Arlequin et Colombine trouvent la comédie italienne vulgaire.
ISABELLE
[…] Il faut envoyer voir ce qu'on joue aux Italiens. Broquette, Broquette ?
UN LAQUAIS
Madame ?
ISABELLE
Allez voir ce qu'on joue aujourd'hui à l'Hôtel de Bourgogne.
COLOMBINE
Je ne sais pas, Madame, ce que vous voulez faire ; mais je vous avertis que Monsieur a enfermé une roue du carrosse dans son cabinet, pour vous empêcher de sortir.
ISABELLE
Qu'importe ? Nous irons dans le carrosse de Monsieur le chevalier.
ARLEQUIN [en chevalier]
Cela ne se peut pas, Madame, mon cocher s'en sert. C'est que je lui donne mon carrosse un jour la semaine pour ses gages. C'est aujourd'hui son jour ; et il l'a loué à des dames qui sont allées au bois de Boulogne.
COLOMBINE
Cela ne doit pas nous arrêter. Si Madame veut aller à l'opéra, je trouverai bien un carrosse.
ISABELLE
Ah fi, Colombine, avec ton opéra ! Peut-on revenir à la demie Hollande, quand on s'est si longtemps servi de Baptiste ? J'y allai dès deux heures, à la première représentation ; j'eus tout le temps de m'ennuyer avant qu'on commençât ; mais ce fut bien pis, quand on eut une fois commencé.
COLOMBINE
Je ne conçois pas comment on peut s'ennuyer à l'opéra. Les habits y sont si beaux !
ISABELLE
Je vois bien que nous ne sommes pas engouées de musique aujourd'hui, et qu'il faudra nous en tenir à la comédie italienne.
ARLEQUIN
En vérité, Madame, je ne sais pas quel plaisir vous trouvez à vos comédies italiennes ! Les acteurs en sont détestables. Est-ce qu'Arlequin vous divertit ? C'est une pitié ! Excepté cet homme qui parle normand dans l'Empereur de la lune, tout le reste ne vaut pas le diable. J'étais dernièrement à une pièce nouvelle. Elle n'était pas encore commencée, que j'entendais accorder les sifflets au parterre, comme on fait les violons à l'opéra. Je m'en allai aussitôt, pestant comme un diable contre ces nigauds-là, et je n'en voulus pas voir davantage.
ISABELLE
Vous n'attendîtes donc pas que la toile fût levée ?
ARLEQUIN
Hé, vraiment non. Ne voit-on pas bien d'abord à ces indices-là qu'une pièce ne vaut rien ?
Jean-François Regnard, Le Divorce, dans Évariste Gherardi, Le théâtre italien de Gherardi, ou le Recueil général de toutes les comédies et scènes françaises jouées par les comédiens italiens du roi, pendant tout le temps qu'ils ont été au service, Amsterdam, Adrian Braakman, 1701, t. II, p. 126-128.
Extrait disponible sur Google Books.
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