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1700
Évariste Gherardi, Colombine avocat pour et contre
Paris, J. B. Cusson et Pierre Witte, 1700.
Éloge de Scaramouche
Parmi les scènes françaises insérées par les comédiens italiens dans Colombine avocat pour et contre, une pièce de Fatouville créée en 1685, la scène VII est entièrement muette. Gherardi la décrit et en profite pour louer le jeu de Scaramouche, dont le talent aurait fait le succès de la troupe italienne.
Scène VII.
Le Théâtre représente la chambre d'Arlequin.
SCARAMOUCHE, PASQUARIEL.
On y voit Scaramouche, qui après avoir raccommodé tout ce qu'il y a dans la chambre, prend sa guitare, s'assied sur un fauteuil, et en joue en attendant que son maître arrive. Pasquariel vient tout doucement derrière lui, et par-dessus ses épaules, bat la mesure ; ce qui épouvante terriblement Scaramouche. En un mot, c'est ici où cet incomparable Scaramouche, qui a été l'ornement du théâtre, et le modèle des plus illustres comédiens de son temps, qui avaient appris de lui cet art si difficile, et si nécessaire aux personnes de leur caractère, de remuer les passions, et de les savoir bien peindre sur le visage ; c'est ici, dis-je, où il faisait pâmer de rire pendant un gros quart d'heure, dans une scène d'épouvante, où il ne proférait pas un seul mot. Il faut convenir aussi que cet excellent acteur possédait à un si haut degré de perfection ce merveilleux talent, qu'il touchait plus de cœurs par les seules simplicités d’une pure nature, que n’en touchent d’ordinaire les orateurs les plus habiles par les charmes de la rhétorique la plus persuasive. Ce qui fit dire un jour à un grand prince qui le voyait jouer à Rome : « Scaramucia non parla, e dice gran cose » ; « Scaramouche ne parle point, et il dit les plus belles choses du monde ». Et pour lui marquer l’estime qu’il faisait de lui, la comédie étant finie, il le manda, et lui fit présent du carrosse à six chevaux dans lequel il l’avait envoyé quérir. Il a toujours été les délices de tous les princes qui l’ont connu, et notre invincible monarque ne s’est jamais lassé de lui faire quelque grâce. J’ose même me persuader que s’il n’était pas mort, la troupe italienne serait encore sur pied.
Fatouville, Anne Mauduit de, Colombine avocat pour et contre, dans Évariste Gherardi, Le théâtre italien de Gherardi, ou le Recueil général de toutes les comédies et scènes françaises jouées par les comédiens italiens du roi, pendant tout le temps qu'ils ont été au service, Amsterdam, Isaac Elzevir, 1707, t. I, p. 377-378.
Extrait disponible sur Google Books.
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