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Par support > Pièces de théâtre > L'Ambigu comique ou les Amours de Didon et d'Énée –
1673
Antoine Jacob dit Montfleury, L'Ambigu comique ou les Amours de Didon et d'Énée
Paris, P. Promé, 1673
Comédie, pièces à machine et théâtre sérieux jugés par un ridicule
Cette tragédie en trois actes est entremêlée d'intermèdes comiques à la manière de la tradition espagnole. Dans le premier intermède intitulé Le Nouveau marié, un personnage ridicule de jeune marié refuse qu'on donne la comédie demandée par sa nouvelle épouse et méprise tour à tour toutes les propositions de sa belle mère :
Scène première.
[...]
MONSIEUR VILAIN.
Mais pour te dire tout ce qui me tient en tête,
C'est que ma femme veut, pour achever la fête,
Avoir ici la comédie ce soir.
SANS-SOUCI.
Tant mieux.
MONSIEUR VILAIN.
Ces fadaises n'ont rien pour moi que d'ennuyeux,
Ce sont amusements pour le peuple stupide,
Dont la plaisanterie est toujours insipide.
De plus la comédie attirera céans
Des masques importuns, des coquets fainéants
Qui croissent mon chagrin, lorsque leur joie augmente :
Ma femme a coqueter a déjà quelque pente,
Et quelquefois l'appât d'un discours engageant...
Enfin il serait bon d'épargner cet argent.
J'imagine un moyen qui pourra m'en défaire.
J'en vais dire à l'instant quatre mots à sa mère,
L'en dégoûter de peur que si l'on la prévient,
Elle ne soit d'avis... Mais je la vois qui vient.
Scène II.
[...]
MONSIEUR VILAIN.
Cependant dites-moi si cette comédie,
Que votre fille veut avoir, quoi qu'on en dise,
Est un régal pour vous, de qui la nouveauté
Ait de quoi régaler votre caducité ?
MADAME BRIONET.
Pourquoi non ? Quoi que vieille, il en est de risibles,
Où les plus sérieux peuvent être sensibles,
Pleines de mots plaisants.
MONSIEUR VILAIN.
Du comique, morbleu ?
Du comique chez vous ? Cela n'est bon qu'au feu.
Ces mots que vous nommez plaisants sont des sottises,
Qui n'ont point pour témoins de femmes bien apprises.
Les postures des gens, leurs grimaces, leurs tons,
Sont à craindre céans, pour plus de cent raisons.
MADAME BRIONET.
Mais pourquoi ?
MONSIEUR VILAIN.
Voulez-vous que je m'en désespère ?
Et qu'au bout de neuf mois notre épouse très chère,
Par les impressions que l'esprit y reçoit,
Nous fasse des magots comme ceux qu'on y voit ?
Est-il rien si contraire aux jeunes mariés ?
MADAME BRIONET.
Hé bien, il en faut voir qui soient moins égayées,
Quelque pièce en machine, et le faire savoir...
MONSIEUR VILAIN.
Fi, c'est pis quatre fois. Le grand plaisir de voir,
Sur des monstres formés d'osier et de détrempe,
Des dieux plus mal montés qu'un sablonnier d'Étampes,
Pendus dans des cartons, comme dans des étuis,
Qui descendent du ciel comme un seau dans un puits.
On ne voit applaudir de semblables caprices,
Que par des Allemands, ou des courtauds novices,
Par des badauds errants dans leur oisiveté,
Qui croient, décidant, sur chaque nouveauté,
Être honorés après leurs visites fréquentes,
Du nom de Bel Esprit, par des lettres patentes.
Mais les gens du bon gout...
MADAME BRIONET.
Pour vous voir satisfait,
Un sujet sérieux sera mieux notre fait.
MONSIEUR VILAIN.
Que pensez-vous y voir ? Un héros à nasarde,
Amant triste et dolent, d'une amante braillarde,
Entêté d'un objet où son cœur s'est fixé,
Plus contrit quatre fois qu'un procureur taxé ?
Des rois dont l'on ne craint l'effort ni les menaces,
Guindés sur de grands mots comme sur des échasses,
Qui font briller aux yeux d'un spectateur surpris,
Des vertus de théâtre, ainsi que des habits ?
Pour des gens éclairés, ce plaisir est trop mince.
MADAME BRIONET.
Ah si Monsieur Damon n'était point en Province,
Il nous ferait jouer quelque pièce de lui.
C'est le premier auteur, par un bout d'aujourd'hui,
Il nous lit ce qu'il fait, et les délicatesses...
MONSIEUR VILAIN.
Ah, bon, je le connais, il fait de bonnes pièces.
On disait qu'il était au bout de son rollet;
Mais il en fait venir la charge d'un mulet,
Et s'achète un brevet ou la nouvelle est fausse,
De poète en magasin, pour les vendre par grosse.
Mais puisqu'il est absent, c'est pour une autre fois.
Nous pourrons, l'attendant, faire à loisir un choix,
Et si vous m'en croyez, Madame, quoi qu'on dise,
Nous n'aurons point céans ce soir la comédie.
Comédie en ligne sur Gallica p. 18-23.
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