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1660

Antoine Baudeau de Somaize, Les Véritables Précieuses

Paris, Ribou, 1660

Les bons comédiens, merveilleux assaisonnement d'une pièce

Les personnages comparent les mérites des troupes de l'Hôtel de Bourgogne et du Petit-Bourbon.

Scène VII :

ARTÉMISE :
Il est vrai que j’ai ouï dire qu’il y avait de fort beaux vers.

LE POÈTE :
Comment de beaux vers ! Nos plus grands auteurs en mettraient moins dans une douzaine qu’il y en a dans celle-là. On y remarquait pourtant un grand défaut.

ISCARIE :
Hé ! Quel défaut ?

LE BARON :
Ah ! Je sais quel est ce défaut mieux que personne, et un des mes amis le dit plaisamment à son auteur. Il fut jusques chez lui le trouver. Lui, ne le connaissant point, lui demanda ce qu’il souhaitait. Mais il fut bien surpris quand il entendit qu’on avait trouvé un grand défaut dans sa pièce, qui n’était inconnu à personne.

ISCARIE :
Ah ! Ne nous tenez plus en langueur, dites-le-nous vite !

LE BARON :
Ce défaut est en un mot, que les comédiens ne jouaient rien qui vaille, et qu’ils ne sont bons à rien qu’à jouer la farce.

LE POÈTE :
Il est tout vrai que si l’Hôtel de Bourgogne eût joué cette pièce, elle eût extrêmement réussi, car c’est un merveilleux assaisonnement à une pièce que les bons comédiens, et tels malgré toute la fortune de leur nom, tels malgré la force de leur brigue, ne réussiraient pas comme ils font, si l’on jouait leurs pièces à Bourbon.

ARTÉMISE :
Quoi ! Monsieur, il ne brigue donc point du tout.

LE POÈTE :
Point du tout, et il n’a jamais lu sa pièce qu’à deux de ses amis ! Encore les y a-t-il fait entrer pour rien.

LE BARON :
Mais, Monsieur, c’est assez parler des autres, et je crois que ces dames sont dans une furieuse impatience d’entendre la lecture de vos pièces, et qu’elles sont déjà assez persuadées de votre mérite pour vous promettre avec moi-même, sans les entendre, d’y applaudir de la belle manière, quand on les représentera.

ISCARIE :
Sans doute.

Paris, Ribou, 1660, pp. 52-54.   
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