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1685

(Florent Carton dit) Dancourt, Angélique et Médor

Bruxelles : J. de Gouek, 1711

Revue d'opéras

Cette parodie d'opéra présente à la scène XI deux personnages examinant les opéras contemporains pour choisir celui qu'ils pourraient représenter:

MERLIN.
Voulez-vous prendre Cadmus avec le prologue du Serpent Pithon ? Il n’y a rien de plus beau que cela.

GUILLEMIN.
Oh non, il y a là-dedans une certaine pluie de feu qu’il faut faire avec de la poudre à canon, et cela n’est bon qu’à faire crever les gens.

MERLIN.
Athis vous accommoderait-il mieux ?

GUILLEMIN.
Athis ?

MERLIN.
Oui.

GUILLEMIN.
Non, il y a dans cet opéra une vieille sempiternelle qui veut débaucher un jeune prêtre, et cela n’est point du tout de bon exemple.

MERLIN.
Alceste fera peut-être mieux votre fait.

GUILLEMIN.
Point du tout. Il y a dans celui-là un enterrement qui est trop triste et ennuyeux.

MERLIN.
Ah, Monsieur, c’était quelque chose de beau que l’assaut qu’on donnait à cette ville sur le théâtre. Vous souvient-il d’Alcide qui prend le pont à coups de bâtons, il y a quelque chose de grand là-dedans.

GUILLEMIN.
Cet opéra-là ne me plaît point.

MERLIN.
Il faut donc prendre Amadis.

GUILLEMIN.
Amadis. N’est-ce point où il y a des fantassins armés de fer blanc qui courent la bague les uns contre les autres?

MERLIN.
Justement.

GUILLEMIN.
Cela est assez joli. Mais j’aime mieux Roland que tout cela.

MERLIN.
Eh bien Roland, soit. Vous choisissez fort bien. C’est le plus beau de tous les opéras que Roland.

GUILLEMIN.
Et voyez le mauvais goût du siècle, on disait d’abord qu’il ne valait rien, et qu’il n’y allait personne.

MERLIN.
Oh, Monsieur, quelque méchant que soit un Opéra, il ne manquera pourtant jamais d’y avoir du monde, et il y a un certain commerce et une certaine liaison des troisièmes loges avec le parterre qui attire bien des gens. Venons à Roland. Il faudra bien du monde là-dedans. Il y a des troupes d’Insulaires, des troupes d’Indiens, d’Amours, de Sirènes, de Dieux de Fleuves, d’Amants enchantés ; des Troupes de Bergères, et des Fées, sans compter les ombres des Héros, et ce sont là bien des troupes au moins. J’aimerais presque autant lever une Armée. […] Si c’était encore comme ces autres opéras, où il n’y a quasi que des Nymphes, nous en aurions facilement un bon nombre, et c’est comme vous savez une marchandise dont on ne manque pas en ce pays-ci. Mais voilà une petite personne du bois dont on le sait qui vous en veut, je crois.

Extrait signalé par J.M. Hostiou
Bruxelles : J. de Gouek, 1711, p. 126-128


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