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1639

François de Grenaille, L'Innocent malheureux ou La Mort de Crispe

Paris: J. Paslé, 1639

Analyse critique des oeuvres de La Calprenède

Dans cette "Ouverture générale à toute la pièce, avec un discours sur les poèmes dramatiques de ce temps", l'auteur fait un vibrant éloge de La Calprenède. Les motifs d'admiration se justifient parfois d'un point de vue poétique, parfois d'un point de vue de spectateur:

Nous avons vu diverses pièces de cet excellent auteur, chacune desquelles nous semblerait incomparable, si elle n'avait sa semblable de même main. La mort de Mithridate qui fut l'essai d'un si bon esprit passe pour un chef-d’œuvre au jugement des habiles. L'auteur a tort de lui vouloir ravir ses ornements par une modestie recherchée, on l'estime suivant ce qu'elle est, et non pas suivant le cas qu'il en fait. On ne défère pas à son opinion en ce qui le touche, pour ce qu'elle est injuste devant que de lui être tant soit peu désavantageuse. Il suffit de dire que si cette pièce n'était excellente elle n'aurait eu une approbation générale, et qu'elle n'eût jamais causé de si grandes émotions dans les âmes des spectateurs si elle n'eût été le fruit d'un puissant génie. La Mort des enfants d'Hérodes ne cède point à la Marianne, quoi qu'on l'en nomme la suite; l'auteur trouve dans son art les beautés que l'autre a rencontrées dans la matière aussi bien que dans ses divines inventions, et pour n'avoir pas tant de femmes la scène n'en est pas moins agréable. C'est là qu'on voit ces belles diversités que causent les passions d'un fils jaloux de son père, et d'un père qui est jaloux de ses enfants. La tyrannie et la pitié,l'indulgence et la cruauté y sont mêlées avec un si doux tempérament qu'on se réjouit en s'affligeant, et on pleure dans sa joie. La Jeanne d'Angleterre est un sujet si mêlé par les illustres occurrences, qu'on y remarque que l'esprit en demeure perpétuellement surpris, bien qu'il prévoie d'abord tout ce qui doit arriver. Mais principalement on y voit de grands cœurs que les supplices rendent plus généreux, et qui ne savent non plus céder au malheur qu'à la force des ennemis. D'autre part on voit une princesse qui appréhende de régner, pour ce qu'il lui faut faire mourir une autre reine, et qu'étant son ennemie elle ne peut d'ailleurs résister aux mouvements de l'affection que les mérites de la rivale lui donnent. J'ai ouï dire que l'auteur fait un état particulier de cette pièce, aussi est-elle une image de la générosité, mais il faut avouer que son jugement en ce point est suivi de tous les autres.

Discours en ligne sur Gallica n.p. 11 


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