Comme il y avait tous les soirs comédie chez la princesse, Mélisée, pour satisfaire au prince, me fit lier une partie avec une des filles de la reine pour nous y trouver le soir même. Il ordonna de ma parure et me pria de ne rien omettre de tout ce qui pourrait contribuer à me rendre aimable aux yeux de son prince. Il m'aida lui-même et il me disait cependant : « Plaise aux Dieux que les soins que je prends ne me soient pas nuisibles ! » Il se repentit même de m'avoir si bien ajustée quand, arrivant à la comédie après moi, il connut aux manières du prince qu'il me trouvait fort à son gré :

– Hé bien, Seigneur, lui dit-il en s'approchant de lui, que dites-vous de mon choix ?
– J'ai peur, répondit le prince, de n'y trouver que trop de raisons. Car enfin, continua-t-il, si je devenais amoureux d'Arélise, nous serions l'un et l'autre à plaindre.
– Comme ma vie est à vous, reprit Mélisée, je vous suis trop redevable pour ne pas la sacrifier à vos plaisirs.
– Et moi, répliqua le prince, je sais ce qu'il faut faire pour la conserver.

Il ne put pourtant s'empêcher d'avoir les yeux attachés sur moi tant que dura le spectacle. Mélisée, à la vérité, n'eut pas lieu d'être jaloux, mais je crus devoir l'être parce qu'il me parut avoir eu pendant la représentation de grandes familiarités avec une assez belle personne qui était près de lui. Je m'en alarmai et, sans l'éclaircissement que j'eus là-dessus avec cette fille de la reine qui m'apprit que la personne en question était la maîtresse déclarée d'un de ses plus intimes amis, j'aurais mal passé le reste de la soirée et Mélisée s'en serait peut-être ressenti.