C'est une chose qu'à bon droit on estime merveilleuse, lorsqu'elle ne paraît que rarement à nos yeux : mais il faut changer le langage à ceux qui considèrent l'humeur des Français, et qui connaissent le naturel de leurs esprits, auxquels une chose commune et vulgaire est rare et merveilleuse lorsqu'ils l'affectionnent et qu'ils s'y arrêtent longuement. Je n'ai rien vu de plus merveilleux dans les beaux esprits de ce temps que l'affection continuelle qu'ils ont aux bals et comédies, dont le sujet n'est jamais autre que des histoires ou des fables amoureuses. Je ne doute point qu'elles ne donnassent de l'ennui, n'était que ceux qui les représentent ont l'industrie de se déguiser devant eux, et de paraître toujours avec diversité et nouveau changement d'habits pour varier en apparence ce qu'ils ne changent jamais en effet, avouant néanmoins par ce moyen que rien ne peut être agréable sans une nouvelle beauté de visage. Et c'est ce qui me fait espérer, ami lecteur, que tu goûteras avec plaisir et délices cet œuvre, dont toutefois la nouveauté ne s'arrête pas seulement en l'apparence, mais elle passe jusques au sujet, qui, néanmoins de soi-même est capable de réjouir un esprit affligé, et de lui donner le repos et la félicité, voire même au plus fort de ses misères.