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1678
Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves
Paris, Barbin, 1678.
La comédie comme cadre de l'épisode
Le passage suivant de l'intrigue prend pour toile de fond la tenue d'une comédie au Louvre :
Un soir qu’il devait y avoir une comédie au Louvre, et que l’on n’attendait plus que le roi et madame de Valentinois pour commencer, l’on vint dire qu’elle s’était trouvée mal et que le roi ne viendrait pas. On jugea aisément que le mal de cette duchesse était quelque démêlé avec le roi : nous savions les jalousies qu’il avait eues du maréchal de Brissac pendant qu’il avait été à la cour, mais il était retourné en Piémont depuis quelques jours, et nous ne pouvions imaginer le sujet de cette brouillerie.
Comme j’en parlais avec Sancerre, M. d’Anville arriva dans la salle et me dit tout bas que le roi était dans une affliction et dans une colère qui faisaient pitié ; qu’en un raccommodement qui s’était fait entre lui et madame de Valentinois, il y avait quelques jours, sur des démêlés qu’ils avaient eus pour le maréchal de Brissac, le roi lui avait donné une bague et l’avait priée de la porter ; que, pendant qu’elle s’habillait pour venir à la comédie, il avait remarqué qu’elle n’avait point cette bague et lui en avait demandé la raison ; qu’elle avait paru étonnée de ne la pas avoir ; qu’elle l’avait demandée à ses femmes, lesquelles, par malheur, ou faute d’être bien instruites, avaient répondu qu’il y avait quatre ou cinq jours qu’elles ne l’avaient vue.
Ce temps est précisément celui du départ du maréchal de Brissac, continua M. d’Anville : le roi n’a point douté qu’elle ne lui ait donné la bague en lui disant adieu. Cette pensée a réveillé si vivement toute cette jalousie, qui n’était pas encore bien éteinte, qu’il s’est emporté, contre son ordinaire, et lui a fait mille reproches. Il vient de rentrer chez lui très affligé ; mais je ne sais s’il l’est davantage de l’opinion que madame de Valentinois a sacrifié sa bague, que de la crainte de lui avoir déplu par sa colère.
Sitôt que M. d’Anville eut achevé de me conter cette nouvelle, je me rapprochai de Sancerre pour la lui apprendre. Je la lui dis comme un secret que l’on venait de me confier, et dont je lui défendais de parler.
Le lendemain matin, j’allai d’assez bonne heure chez ma belle-sœur. Je trouvai madame de Tournon au chevet de son lit ; elle n’aimait pas madame de Valentinois et elle savait bien que ma belle-sœur n’avait pas sujet de s’en louer. Sancerre avait été chez elle au sortir de la comédie. Il lui avait appris la brouillerie du roi avec cette duchesse ; et madame de Tournon était venue la conter à ma belle-sœur, sans savoir ou sans faire réflexion que c’était moi qui l’avait apprise à son amant.
Nouvelle disponible sur Gallica.
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