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1673

Madame de Villedieu, Les Galanteries grenadines

Paris, Barbin, 1673

Fête galante

Au sein de cette nouvelle mauresque, une fête galante ayant pour thème la suprématie de la nuit sur le jour donne lieu, parmi d'autres divertissements, à une comédie :

Comme la belle Galiane exprimait ainsi à sa jeune soeur l’envie qu’elle portait à la gloire de Fatime, elles aperçurent l’objet le plus surprenant qu’elles eussent jamais vu. **Un grand théâtre orné de vases de fleurs et dont l’enfoncement laissait voir une cascade naturelle s’avançait lentement à leur rencontre et, toute la cour les ayant jointes, ce théâtre vint comme par enchantement se placer dans un grand rond d’arbres où le roi s’était arrêté et qui était à plus de trois cent pas du lieu d’où cette machine était partie. **

Cent jeunes Maures, qui sans doute avaient apporté le théâtre, sortirent de dessous, vêtus comme on dépeint les jeux et les plaisirs et posant diverses piles de carreaux de drap d’or et de pourpre autour de la place destinée pour voir le spectacle, poussèrent vis-à-vis de chaque personne qui s’assit sur ces carreaux de petits maures d’ébène enrichis d’or et d’argent, plantés sur une machine roulante, qui portaient chacun sur leur tête une magnifique collation. Plusieurs instruments de musique entonnèrent un concert qui dura autant que ce galant repas et les Maures, tant naturels qu’artificiels, ayant repris le chemin par lequel ils étaient venus, trente jeunes enfants demi-nus et les épaules ailées, comme on représente l’amour, vinrent décocher des flèches de cristal qui, se brisant contre ce qu’elles rencontraient, laissaient tomber des essences admirables et de petites lames d’or émaillées sur lesquelles étaient gravés des vers ou des devises galantes.

[s’en suivent des devises]

Quelques vers gravés ou écrits en émail de l’autre côté des devises exhalaient les avantages de la nuit sur le jour. […] La comédie et le ballet qui suivirent cette première galanterie roulaient sur la même pensée et par les figures, les vers et les décorations faisaient l’éloge des plaisirs nocturnes. Quand l’un et l’autre furent finis, le devant du théâtre s’abattit et devint divers degrés couverts d’un riche tapis de Perse. La décoration se changea dans une salle magnifique et, le roi et la reine donnant l’exemple à leur cour de les suivre dans cette nouvelle salle, on y dansa plusieurs danses, mauresques et espagnoles.

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