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1681
[Anonyme], Entretiens galants
Paris : Ribou, 1681.
La comédie en déclin
Célinde reçoit ses amis dans sa propriété sarthoise et converse avec eux de thèmes galants tels que la « solitude » ou le « tête-à-tête » entre amants, le « bon goût ». Dans l'entretien consacré au « Jeu », les personnages évoquent avec nostalgie les années où le théâtre était à l'honneur pour émettre un jugement sans appel sur la situation actuelle :
– Je veux bien croire, dit Célinde, qu'on jouerait un peu moins, si on aimait davantage. Je conviens que le peu de tendresse a mis le jeu à la mode. Mais la paresse des beaux esprits n'y a-t-elle pas autant contribué que la froideur des amants ? On voyait autrefois de beaux ouvrages. On les lisait avec attention et on en parlait avec plaisir dans les ruelles. On courait en foule aux comédies. On allait voir de belles pièces jusque dans le fond du Marais. On faisait une manière de voyage pour en voir une qui en valait la peine. Mais que voulez-vous qu'on aille voir présentement ? La comédie n'est plus un divertissement que chez le Baron de la Crasse. Les gens de bon goût n'y trouvent plus leur compte. Apollon est devenu l'esclave de Bacchus, et Thalie et Melpomène ne sont plus que les servantes des Bacchanales. [...]
– Vous portez votre injustice trop loin l'une et l’autre répartit Philémon. J'avoue que le théâtre est tombé et qu'il l'est peut-être sans ressource, si on ne remédie à des abus qu'on laisse trop autoriser. Mais n'avons-nous pas mille autres petits ouvrages qui sont assez dignes de notre curiosité ? Ne nous donne-t-on pas tous les jours des nouvelles ?...
– Arrêtez là, de grâce, interrompit Bérélie, et n'allez pas autoriser vous-même un abus aussi grand que celui qui regarde le théâtre. Ne me parlez jamais d'un ouvrage qu'on ne saurait lire qu'une fois ; et vous savez que peu de gens s'avisent de relire ces petites nouvelles. Je ne blâme pas ceux qui les font, mais je condamne ceux qui en ont établi l'usage. Je n'ai jamais pu souffrir que l'on attachât à des noms connus des idées chimériques, et que l'on fît faire à des gens de notre connaissance des choses que nous savons qu'ils n'ont pas faites. Je souffre encore moins qu'on donne des fables pour vérités, et qu'on ne fasse nulle différence des pures chimères d'avec les histoires véritables. Avouez que cela n'est guère dans l'ordre, et le goût du siècle est si bon que l'on commence de revenir d'une erreur que la seule nouveauté avait pu introduire. On vient de nous donner une nouvelle qui est d'un genre bien différent des autres, et je suis fort trompée ou ce genre d'écrire sera suivi. C'est un ouvrage solide, qui a cependant cette politesse et cet air aisé et délicat, qui nous a rendu les petites nouvelles si agréables.
Entretien en ligne sur Gallica, p. 146-151.
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