Une chose qui acheva de les détruire fut la connaissance que je fis d’une dame étrangère. Etant à la comédie un jour avec mes deux demi-maîtresses, j’y vis entrer cette dame avec une fierté qui me donna d’abord de l’estime pour elle et, bien qu’elle trouva toutes les places prises, si ne laissa-t-elle pas de s’en faire trouver entre les meilleures. La considérant de plus près, je le trouvai fort à mon gré : elle était d’assez belle taille, elle avait de la grace et de la majesté, un embonpoint qui me plaisit assez et ce que son masque laissait voir était fort blanc et fort poli. D’ailleurs ses yeux paraissaient fort beaux et, dans le temps que l’on jouait la comédie, elle me fit remarquer par ces discours avec ceux qui étaient autour d’elle que la belle audace lui plaisait plus que toute autre qualité, que tout abaissement à ce qu’elle disait, lui était odieux, et qu’une âme qui se rendait à la tendresse passait pour lâche dans son esprit. Ah ! disais-je en moi-même, voici une de celles qu’il y a plaisir à réduire. C’est de ces sortes de conquêtes qui méritent l’application de Lydas. Quoique les belles Alsianipes prissent garde à ma distraction et qu’elles m’en fissent la guerre, tout cela n’était pas capable de m’en détourner. A la fin de la comédie que chacun se retirait, je fis en sorte de m’approcher d’un homme que je connaissais, qui l’avait saluée et qui marquait assez qu’il l’avait vue ailleurs que là. Je ne pus m’empêcher de lui demander avec empressement le nom de cette dame.