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1680
Jean Donneau de Visé, Le Mercure galant
Paris, Au Palais, 1680.
Longue revue des théâtres
Pour son premier numéro de 1680, le Mercure galant consacre plusieurs pages à l'activité théâtrale. Outre les opéras de Quinault et Lully, on mentionne Genseric de Mme Deshoulières, Agamemnon de Boyer et La Devineresse de Thomas Corneille et Donneau de Visé.
Il est temps de vous parler des divertissements de cette saison. Vous savez qu’elle est destinée partout aux plaisirs. Je commence par ceux de la cour. On n’y en a point pris d’autre, pendant tout ce mois, que celui de l’opéra de Bellérophon. Il a fort plu à Sa Majesté, qui en a trouvé des endroits si beaux qu’Elle les a fait répéter deux fois dans chaque représentation. Aussi tout Paris était-il demeuré d’accord qu’on y rencontrait ce qui est rare et très difficile dans un opéra, je veux dire un sujet conduit, qui attache par lui-même, qui a toutes les parties de la tragédie et dans lequel tous les divertissements naissent du corps de l’ouvrage, sans qu’on les y amène par des incidents forcés, à l’exception de la scène des Napées et des Faunes, qui a été faite contre le sentiment de l’auteur et seulement pour fournir des vers à la musique. On cessa les représentations de cet opéra vendredi dernier, pour les reprendre alternativement avec celles de l’opéra de Proserpine, qui paraîtra pour la première fois le 5 février. Il est de M. Quinault, qui s’est surpassé lui-même et comme ses vers ont toute la délicatesse qui est nécessaire pour le chant, on a une impatience inconcevable de les entendre. Si les oreilles doivent être fort satisfaites dans cet opéra, les yeux ne le seront pas moins, puisque soit pour la beauté des décorations, soit pour la richesse des habits, il ne s’est jamais rien vu de si somptueux en France.
La Troupe Royale de l’Hôtel de Bourgogne a représenté une tragédie intitulée Genséric roi des Vandales, mise au théâtre par l’illustre Madame Deshoulières. C’est tout dire. Vous savez combien les ouvrages que je vous ai envoyés de sa façon ont été trouvés justes et pleins de délicatesse, et avec quel empressement on souhaite de tous côtés d’en voir dans mes lettres. La même troupe promet une autre pièce nouvelle sous le nom d’Adraste. Elle est de M. Ferrier.
Je croyais vous apprendre le succès d’Agamemnon, affiché depuis longtemps par la Troupe du Roi, qu’on appelle de Guénegaud, mais la foule augmente de jour en jour aux représentations de La Devineresse et non seulement elles ont continué jusqu’à aujourd’hui depuis la Saint-Martin qu’elle a commencé de paraître sur le théâtre, mais il y a grande apparence qu’elles continueront tout le reste du Carnaval. Cet extraordinaire succès ne peut venir que de ce que tout le monde trouve à s’y divertir plus d’une fois et vous tomberez d’accord que les choses qui nous font souhaiter de les revoir ne peuvent être que fort agréables.
Texte disponible sur la plateforme OBVIL.
Mercure galant, janvier 1680, t. 1, p. 300-305.
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