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1668

Charles Robinet, Lettres en vers

Paris, Chénault, 1668.

Représentations de Molière devant le roi.

Dans sa lettre des 14 et 21 janvier, Robinet relate les représentations du Médecin malgré lui et de l'Amphitryon de Molière lors des fêtes royales du début de l'année.

Chose promise est chose due,
Princesse en tout si bien pourvue,
Et je débute en cet écrit
Par le juste et charmant récit
Des fêtes et galanteries
Qui se firent aux Tuileries
Le jour que l’on consacre aux Rois,
Car je le promis l’autre fois.
Le cher Molière, avec sa troupe,
Qui mène pleine joie en croupe,
Commença ces ébats des mieux,
Jouant, d’un air un peu sérieux,
Son Médecin bâti par force,
Qui donne la dernière entorse,
Même aux soucis les plus cuisants,
Par mille rébus fort plaisants
Et des traits de fine satire,
Qui, ma foi, feraient aussi rire,
Le corps hippocratique entier
De se voir là si bien jouer.
Ensuite de ce gai prélude,
Lully, qui me tout son étude
À charmer notre puissant Roi,
Qui l’en paie aussi bien, je crois,
Fit, en faveur de ses oreilles,
Son concert rempli de merveilles,
Qu’à tant de fois ouï la cour
Dans les grottes du beau séjour
Nommé le château de Versailles,
Où quelquefois j’ai fait ripaille.


[21 janvier 1668]

En cette saison, peu sacrée,
Mais toute aux plaisirs consacrée,
Les divertissements de cour
S’y recommencent chaque jour.
Lundi, chez le non pareil Sire,
Digne d’étendre son empire
Dessus toutes les nations,
On vit Les Deux Amphitryons,
Ou, si l’on veut, Les Deux Sosies,
Qu’on trouve dans les poésies
Du feu sieur Plaute, franc latin,
Et que, dans un français très fin,
Son digne successeur, Molière,
A travesti d’une manière
À faire ébaudir les esprits,
Durant longtemps, de tout Paris.
Car, depuis un fort beau prologue,
Qui s’y fait par un dialogue
De Mercure avecque la nuit,
Jusqu’à la fin de ce déduit,
L’aimable enjouement du comique
Et les beautés de l’héroïque,
Les intrigues, les passions
Et, bref, les décorations,
Avec des machines volantes,
Plus que des astres éclatantes,
Font un spectacle si charmant
Que je ne doute nullement
Que l’on n’y courre en foule extrême,
Bien par delà la mi-Carême.
Je n’ai rien touché des acteurs,
Mais je vous avertis, lecteurs,
Qu’ils sont en conche très superbe
(Je puis user de cet adverbe)
Et que chacun de son rollet,
Soit sérieux, ou soit follet,
S’acquitte de la bonne sorte ;
Surtout, ou qu’Astarot m’emporte,
Vous y verrez certaine Nuit
Fort propre à l’amoureux déduit,
Et de même certaine Alcmène ,
Ou bien sa remembrance humaine,
Qui vaudrait bien, sans en douter,
Qu’un remembrant de Jupiter,
Plein de ce feu qui le cœur brûle,
Lui fît un remembrant d’Hercule.

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


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