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1661
Jean Loret, La Muse historique
Paris, Chénault, [1656-1665].
Tragédie de collège : La Mort des enfants de Saül
Le 3 septembre 1661, Loret fait un long compte-rendu d’une représentation de la tragédie de fin d'année au collège de Clermont :
De l’autre mois le dernier jour,
Je fus aux Jésuites, pour
Y voir une pièce tragique, [La Mort des Enfants de Saül]
Composée en style énergique
Avec des entractes plaisants,
Comme on en fait là tous les ans.
On a pris ce sujet plausible
Au Livre des Rois, dans la Bible,
(Le grand livre des gens de bien)
Chapitre je ne sais combien,
Pour titre, au frontispice,
Le théâtre de la justice.
Père Darrouy, profond docteur,
En est le noble et digne auteur :
Cette histoire, des mieux traitée,
Fut assez bien représentée,
Et les ballets entrelacés
Fort agréablement dansés,
Se trouvant, illec, d’assurance,
Un des adroits danseurs de France. [Le sieur Langlois.]
Le théâtre, un des mieux ornés
Que mon œil ait jamais lorgnés,
Était superbe et magnifique ;
Et, soit qu’il fût d’ordre dorique,
Où d’une autre construction,
Il comblait d’admiration
Tous ceux qui voyaient, je vous jure,
Sa surprenante architecture.
Des gens de haute extraction
Furent présents à l’action,
J’y vis des princes, des princesses,
Des présidentes, des comtesses,
Quantité d’esprits de bon sens,
Et des moines plus de deux cents.
Maint Père, bon et charitable,
M’y fit un accueil favorable,
Le Père Bourre, en premier lieu,
Qu’on tient grand serviteur de Dieu,
Celui que Briguet on appelle,
Dont l’âme est excellente et belle,
Et l’obligeant Père Gelé,
À bien faire toujours zélé,
Qui par sa bonté singulière
Me plaça de telle manière
Qu’à parler, ici, sérieux,
Je ne pouvais pas l’être mieux.
Cette action étant finie,
Sans beaucoup de cérémonie,
En disant seulement adieu,
Je quittai ce célèbre lieu,
Je gagnai tout soudain la porte,
Et ne vis, en aucune sorte,
La distribution du prix.
Mais j’ai d’un savant homme appris
Qu’un enfant de haute naissance
Fils d’un Grand Écuyer de France,
Et, déjà, plein d’entendement,
En eut un glorieusement ;
Et que le premier esprit rare
Pour qui l’on fit grande fanfare
Étant tout d’abord couronné,
Fut l’admirable fils aîné
De ce vrai miroir de prudence,
De savoir, de jurisprudence,
Et juste comme un Salomon,
Savoir le Grand de Lamoignon. [Premier Président]
Ce fils aîné, donc, et son frère, [Président au Parlement de Paris.]
Tous deux dignes fils d’un tel père,
Furent, tous deux, chacun deux fois,
Tympanisés à haute voix.
Ils eurent chacun deux couronnes,
Et devant six mille personnes,
Qui pour lors étaient spectateurs,
Furent deux fois triomphateurs.
On ne m’a point parlé du reste.
Ainsi, dans ce mien manifeste,
Je ne puis nommer que ceux-là,
Dont certain ami me parla.
Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.
Ouvrage disponible sur Gallica, p. 397.
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