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1661

Jean Loret, La Muse historique

Paris, Chénault, [1656-1665].

Les Fâcheux à la fête de Vaux

Le 20 août 1661, Loret présente sa version de la fête de Vaux et notamment, de la représentation des Fâcheux :

Après ce somptueux repas,
Pour goûter de nouveaux appas,
On alla sous une feuillée
Pompeusement appareillée,
Où, sur un théâtre charmant,
Dont à grand’peine un Saint-Amant,
Un feu Ronsard, un feu Malherbe,
Figureraient l’aspect superbe.
Sur ce théâtre, que je dis,
Qui paraissait un paradis,
Fut, avec grande mélodie,
Récitée une comédie,
Que Molière [Molier], d’un esprit pointu,
Avait composée, impromptu,
D’une manière assez exquise,
Et sa Troupe, en trois jours, apprise,
Mais qui (sans flatter peu, ni point)
Fut agréable au dernier point,
Étant fort bien représentée,
Quoique si peu préméditée.
D’abord, pour le commencement
De ce beau divertissement,
Sortit d’un rocher en coquille,
Une naïade, ou belle fille,
Qui récita quarante vers
Au plus grand Roi de l’univers,
Prônant les vertus dudit Sire ;
Et, certainement, j’ose dire
Qu’ils ne seraient pas plus parfaits
Quand Apollon les aurait faits ;
Tous ceux qui bien les écoutèrent
Jusques au ciel les exaltèrent :
Leur sage auteur, c’est Pellisson,
Des muses le vrai nourrisson,
Que non seulement on estime
Pour sa noble et savante rime,
Mais pour plusieurs vertus qu’en lui
Chacun reconnaît aujourd’hui,
Et surtout étant le modèle
D’un ami solide et fidèle.
Durant la susdite action,
On vit par admiration
(Quoiqu’en apparence, bien fermes)
Mouvoir des figures, des termes,
Et douze fontaines couler
S’élevant de dix pieds en l’air.
Mais il ne faut pas que je die
Le reste de la comédie,
Car bientôt Paris la verra,
On n’ira pas, on y courra ;
Et chacun prêtant les oreilles
À tant de charmantes merveilles,
Y prendra plaisir, à gogo,
Et rira tout son saoul ; ergo,
Pour ne faire, aux acteurs, outrage
Je n’en dirai pas davantage,
Sinon qu’au gré des curieux,
Un ballet entendu des mieux,
Qui par intervalles succède,
Sert à la pièce d’intermède,
Lequel ballet fut composé
Par Beauchamp, danseur fort prisé,
Et dansé de la belle sorte
Par les Messieurs de son escorte ;
Et, même, où le sieur d’Olivet,
Digne d’avoir quelque brevet,
Et fameux en cette contrée,
A fait mainte agréable entrée.
Après la danse et le récit,
Où, des mieux, chacun réussit,
Après ce plaisir de théâtre,
Dont la cour fut presque idolâtre,
Et qui lui sembla durer peu,
Tout le monde courut au feu,

Transcription de David Chataignier disponible sur le site Molière21.


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »