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Par support > Traités, épîtres, pamphlets, défenses, … > Observations sur une comédie de Molière intitulée le Festin de Pierre –
1665
Sieur de Rochemont, Observations sur une comédie de Molière intitulée le Festin de Pierre
Paris, Nicolas Pépingué, 1665.
Tableau caricatural des spectateurs sortant du Festin de Pierre
Au coeur de ce pamphlet virulent attaquant Molière et sa comédie, Rochemont dépeint de manière originale une sortie de comédie. Les spectateurs portent non seulement des jugements contraires sur la comédie, mais surtout, ont des manières variées de juger de celle-ci.
Certes Molière n’est-il pas digne de pitié ou de risée, et n’y a-t-il pas sujet de plaindre son aveuglement ou de rire de sa folie, lorsqu’il dit, en sa requête, qu’il lui est très fâcheux d’être exposé aux reproches des gens de bien, que cela est capable de lui faire tort dans le monde et qu’il a intérêt de conserver sa réputation, puisque la vraie gloire consiste dans la vertu et qu’il n’y a point d’honnête homme que celui qui craint Dieu, et qui édifie le prochain ? C’est à tort qu’il se glorifie d’une vaine réputation et qu’il se flatte d’une fausse estime que les coupables ont pour leurs compagnons et leurs complices. Le brouhaha du parterre n’est pas toujours une marque de l’approbation des spectateurs : l’on rit plutôt d’une sottise que d’une bonne chose, et s’il pouvait pénétrer dans le sentiment de tous ceux qui font la foule à ses pièces, il connaîtrait que l’on n’approuve pas toujours ce qui divertit et ce qui fait rire. Je ne vis personne qui eût mine d’honnête homme sortir satisfait de sa comédie ; la joie s’était changée en horreur et en confusion, à la réserve de quelques jeunes étourdis, qui criaient tout haut que Molière avait raison, que la vie des pères était trop longue pour le bien des enfants, que ces bonnes gens étaient effroyablement importuns avec les remontrances, et que l’endroit du fauteuil était merveilleux. Les étrangers mêmes en ont été très scandalisés, jusque-là qu’un ambassadeur ne put s’empêcher de dire qu’il y avait bien de l’impiété dans cette pièce. Un marquis, après avoir embrassé Molière, et l’avoir appelé cent fois l’Inimitable, se tournant vers l’un de ses amis, lui dit qu’il n’avait jamais vu un plus mauvais bouffon, ni une farce plus pitoyable ; et je connus par là que le marquis jouait quelquefois Molière, de même que Molière raille quelquefois le marquis. Il me fâche de ne pouvoir exprimer l’action d’une dame qui était priée par Molière de lui dire son sentiment : votre figure, lui répondit-elle, baisse la tête, et moi je la secoue, voulant dire que ce n’était rien qui vaille. Et enfin, sans m’ériger en casuiste, je ne crois pas faire un jugement téméraire d’avancer qu’il n’y a point d’homme si peu éclairé des lumières de la foi, qui, ayant vu cette pièce, ou qui, sachant ce qu’elle contient, puisse soutenir que Molière, dans le dessein de la jouer, soit capable de la participation des sacrements, qu’il puisse être reçu à pénitence sans une réparation publique, ni même qu’il soit digne de l’entrée de l’Église, après les anathèmes que les conciles ont fulminés contre les auteurs de spectacles impudiques ou sacrilèges, que les Pères appellent les naufrages de l’innocence, et des attentats contre la sxouveraineté de Dieu.
Edition en ligne sur Molière 21
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