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1668
Marquis de Saint-Maurice, Lettres sous la cour de Louis XIV
Paris, Calmann-Lévy, 1911.
Divers accidents et incidents diplomatiques et hiérarchiques à la comédie
Le Marquis de Saint-Maurice écrit à son altesse royale de Savoie dont il est l'ambassadeur à la cour de France. Il mentionne ici d'importants problèmes de protocole à l'entrée de la comédie
[20 juillet 1668]
[…] La comtesse de Saint-Maurice fut assez bien reçue et conduite dans l’appartement du Dauphin où nous étions, puis elle alla dans son carrosse par les jardins jusqu’au lieu de la fête mais, à la porte de la comédie, elle ne trouva personne pour la recevoir, les gardes du corps ne lui firent pas des grandes civilités ; comme elle ne se voulut pas exposer à la presse [au fait d'être pressée] - elle y fut quelque temps ; celui qui fait la charge d’aide des introducteurs qui est peu connu ne fut pas exempt des coups non plus que les autres ; elle entra et fut placée auprès de moi avec sa fille et celle de l’ambassadeur ordinaire de Hollande derrière le banc des ministres. Après la comédie elle alla où mangeait le Roi qui était déjà à table ; la presse y était comme ailleurs, elle [sa femme] se mit aux places qu’elle trouva vides auprès des maréchales de Grancey… […] Il n’y a jamais eu si peu d’ordre. La Reine fut plus de demi-heure avant que de pouvoir entrer à la comédie, il fallut que le Roi agît lui-même pour lui faire place, les gardes du corps qui ne sont que des soldats, qui ont toujours été dans les troupes ne savent rien de ce qu’il faut faire en semblables occasions, ne songent qu’à faire entrer leurs parents amis et commères. Les personnes de qualité font elles-même la confusion et en ressentent les premières les fâcheries, y perdent leurs plumes, se font déchirer leurs canons et paraissent après dans le bal chiffonnées par leur peu de conduite. […] Pour moi, j’en fis des railleries devant les ministres et personnes de qualité et attends de savoir comme l’ambassadeur de Venise et les résidents se conduiront et s’ils formeront des plaintes.
[…]
Les envoyés de l’Empereur, de Suède et de Portugal se retirèrent avec leur suite, après avoir été repoussés et maltraités à l’entrée de la comédie. L’ambassadeur de Venise y entra et se plaignit fort des poussées qu’il reçut quoiqu’il fut conduit par le sieur de Bonneuil. Comme je m’aperçus du désordre, après avoir eu difficulté d’entrer dans le jardin à cause du monde que je rencontrai à la porte, ne me voulant pas exposer dans la foule, j’entrai ensuite sans être pressé, un peu avant le Roi et me promenai par les allées, puis me présentai à la porte de la comédie. Il s’y trouva des gardes du corps qui me connurent, ils firent tous leurs efforts pour m’y faire entrer sans désordre, les résidents de Danemark et de Mantoue me suivirent et beaucoup de gentilshommes français et étrangers se disant à moi ; les miens y furent poussés et deux demeurèrent dehors pour éviter des coups. Nous fûmes placés au-devant du théâtre, sur le côté droit, ensuite de quelques maréchaux de France et derrière nous les ministres qui étaient scandalisés du désordre. Après la comédie, on nous conduisit souper dans la grotte…
[30 août 1669]
Dimanche qu’il y eut à Saint-Germain comédie [princesse d’Elide], je le [M. Péguilin] dis prier d’y faire avoir place à Messieur d’Arvey et chevalier d’Agilé ; on lui parla un peu tard ; il leur fit donner néanmoins un exempt des gardes pour les faire placer, mais le grand monde et la confusion fut cause qu’ils ne purent pas l’être et ils furent un peu poussés, ce qui les obligea à sortir e la salle et ils ne virent rien. Mon fils aîné même fut poussé assez rudement par un lieutenant des gardes qui le voulait faire reculer, mais le marquis de Rochefort, qui le vit et qui est capitaine des gardes du corps, lava bien la tête à cet officier, prit mon fils par la main et le fit asseoir sur un banc le plus approché du Roi et à côté du comte de Sault. Le Roi ayant su tout ce désordre s’en est fâché fortement, le sieur de Bonneuil m’en a parlé de sa part, et pour lui témoigner la reconnaissance que j’en ai, je fus hier à cette comédie ; je fus reçu par ledit sieur de Bonneuil et le chevalier de Forbin, major des gardes. On me rendit plus d’honneurs qu’à l’ordinaire et à tous mes gentilshommes qui furent placés dans les premières places. Le chevalier d’Aglié n’y vint pas avec moi. Le Roi veut qu’il y ailler, ce sera demain avec ma fille, car la Reine, sachant qu’elle n’y fut pas bien dimanche, elle veut qu’elle y retourne et prendre elle-même soin de la placer.
[…]
j’ai cru devoir faire ce petit détail à votre altesse royale sur ce qu’elle pourrait savoir cette affaire différemment. La comédie est galante, il y a des belles entrées de ballet et bonne musique et concert. M. Le Prince de Roscane y a assisté toutes les trois fois que l’on l’a jouée ; il n’était pas avantageusement placé car il était sur un banc que, bien qu’il fut proche du Roi, il y avait auprès de lui des gentilhommes qui ne font pas ici la première figure.
Correspondance disponible sur Openlibrary, p. 205 et p. 335-336.
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