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1647
Madame de Motteville, Mémoires pour servir à l'Histoire d'Anne d'Autriche
Amsterdam, F. Changuion, 1723
Comédie à la mode d'Italie
Le Cardinal Mazarin régale la cour de comédies spectaculaires à la mode d'Italie, sans qu'Anne d'Autriche ne manque à ses habitudes de piété.
Sur la fin des jours gras [le 2 mars 1647], le cardinal Mazarin donna un grand régal à la cour, qui fut beau et fortement loué par les adulateurs qui se rencontrent en tout temps. C’était une comédie à machines et en musique à la mode d’Italie, qui fut belle, et celle que nous avions déjà vue, qui nous parut une chose extraordinaire et royale. Il avait fait venir les musiciens de Rome avec de grands soins, et le machiniste aussi, qui était un homme d'une grande réputation pour ces sortes de spectacles. Les habits en furent magnifiques, et l'appareil tout de même sorte. Les mondains s'en divertirent ;les dévots en murmurèrent ;et ceux qui, par un esprit déréglé, blâment tout ce qui se fait, ne manquèrent pas à leur ordinaire de blâmer tous ces plaisirs, parce qu'ils ne respirent pas l'air sans chagrin et sans rage. Cette comédie ne put être prête que les derniers jours du carnaval :ce qui fut cause que le cardinal Mazarin et le duc d'Orléans pressèrent la reine pour qu'elle se jouât dans le carême ;mais elle, qui conservait une volonté pour tout ce qui regardait sa conscience, n'y voulut pas consentir. Elle témoigna même quelque dépit de ce que la comédie, qui se représenta le samedi pour la première fois, ne put commencer que tard, parce qu'elle voulait faire ses dévotions le dimanche gras ;et que la veille des jours que la reine voulait communier, elle avait accoutumé de se retirer à la meilleure heure pour se lever le lendemain plus matin. Elle ne voulut pas tout à fait perdre ce plaisir, pour obliger celui qui le donnait ;mais ne voulant pas aussi manquer à ce qu’elle croyait être son devoir, elle quitta la comédie à moitié et se retira pour prier Dieu, pour se coucher et souper à l’heure qu’il convenait, pour ne rien troubler de l’ordre de sa vie. Le cardinal Mazarin en témoigna quelque déplaisir.[...] Le lendemain au soir, cette célèbre comédie se représenta, et la reine la vit entièrement. Le lundi il y eut bal, qui se donna sur le théâtre dans une salle faite à machines, qui se plaçait en ce lieu en un moment : ce qui parut la plus belle chose qui se pût voir. Elle était dorée et faite par grands cadres avec des tableaux peints en perspective.
Édition de 1723 en ligne sur Google Books p. 423
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