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1702
Jean-Baptiste Morvan de Bellegarde, Lettres curieuses de littérature et de morale
Paris : J. et M. Guignard, 1702.
Défense de la comédie d’aujourd’hui
Bellegarde oppose sa compréhension moderne de la comédie, à visée morale et au jeu « naturel », à une conception plus ancienne jugée malséante. Le représentant de ce renouveau est Molière. Il tient des propos similaires en d’autres endroits concernant le théâtre antique.
Il est vrai que les Pères ont terriblement déclamé contre la comédie et que l’on trouve en plusieurs endroits des satires sanglantes contre les chrétiens relâchés qui assistaient aux spectacles, mais l’on peut dire que les comédies de ce temps-là ne ressemblaient guère à celles que l’on représente aujourd’hui sur nos théâtres. C’étaient des spectacles de turpitude où l’on n’observait nulle bienséance et où la pudeur était offensée par des postures et des représentations indécentes, au lieu que les comédies d’aujourd’hui, bien loin de blesser les bonnes mœurs, contribuent à réformer les vices. Nous l’avons connu par expérience, depuis trente ans : l’air précieux avait infecté Paris et les provinces ; on s’était fait un jargon ridicule et plein d’affectation, qu’on avait toutes les peines du monde à entendre ; on affectait des manières qui jetaient les gens hors de leur naturel et qui les travestissaient absolument ; toutes les raisons qu’on apportait pour faire sentir le ridicule de cet air précieux ne faisaient que blanchir. La comédie de Molière, qui exposait à la risée du public Les Précieuses ridicules, les ramena au bon sens et les fit rentrer, malgré elles, dans leur naturel. Le Tartuffe a dévoilé les impostures des faux dévots et révélé les mystères des hypocrites, qui abusaient de la religion et de la piété pour faire leur fortune aux dépens des dupes et pour se donner impunément toutes sortes de licences. Le public peut donc retirer quelque fruit de la comédie pour la réformation des mœurs et pour se guérir de certains défauts à quoi l’on ne saurait remédier par une autre voie.
Extrait de la cinquième lettre, « Sur les pièces de théâtre », disponible sur Gallica, p. 378-380.
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