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1605
Pierre Le Loyer, Discours et histoires de spectres, visions et apparitions des esprits, anges, démons et âmes se montrant visibles aux hommes.
Paris, N. Bruon, 1605
Condamnation des diableries et masques dans les processions
Un passage de ce long traité consacré aux spectres mentionne, sur le mode de l'anecdote, des réactions de spectateurs aux spectacles publiques :
Il me souvient avoir quelques fois lu en quelques homélies de Pierre Chrysostome évêque de Ravenne, qui vivait il y a onze ou douze cent ans, qu'aux Calendes ou premier jour de janvier, les païens du temps passé représentaient publiquement les dieux qu'ils adoraient, en la plus hideuse forme qu'il leur était possible : de sorte que les spectateurs mêmes en avaient horreur. Cela ne se fait point parmi nous, et nous sommes tant irrévérents en notre religion, que de profaner l'honneur de Dieu et des saints : mais en lieu des jeux et processions publiques, du moins en quelques-unes, on fait entre les chrétiens jouer et marcher les diables en la forme qu'on les peint, non pas enchaînés, encore cela serait tolérable, mais déchaînés, comme si c'était au plus fort du paganisme, et qu'on voulût représenter des furies enragées dessus un théâtre, ou spectacle public, non plus de païens, mais de chrétiens, qui doivent être assurés que le Diable a la puissance bridée. Je dirai franchement avec Chrysologue [sic] que ceux qui se jouent avec le Diable, ne peuvent se réjouir avec Jésus-Christ, et qui s'habilleront de ces simulacres hideux perdent l'effigie et similitude de Christ qui devait être gravé en leurs âmes. Quelle folie, je vous prie, que le Diable auteur des spectacles, comme le nomme Tertullien, gagne tant en nous, que nous le fassions servir en figure de spectacle lui-même ? Que font les diables des processions que les silènes et les satires, qui des pompes et processions de Bacchus, ce dit Athénée, faisaient faire place et retirer le peuple ? À quoi tels diables déchaînés, autres silènes et satyres peuvent-ils être propres ? Que sert en somme la figure du Dragon, comme toutes les autres masques et diableries, et principalement celles qui se font des processions, sinon pour faire peur aux enfants, faire rire les bons compagnons et libertins, et les conduire au mépris des saintes cérémonies qu'on mêle avec les jeux et les spectacles ?
Extrait signalé par F. Lecercle dans la "Bibliographie France" sur le site La Haine du Théâtre
Ouvrage en ligne sur Gallica p. 104
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