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1747
Louis Racine, Mémoires contenant quelques particularités sur la vie et les ouvrages de Jean Racine
Lausanne et Genève : M. M. Bousquet & Cie, 1747
Une scène supprimée de Britannicus
Dans ses mémoires, Louis Racine rapporte une scène inédite de Britannicus qui aurait été supprimée par la censure préalable de Boileau. Même les acteurs n’y eurent jamais accès.
Je n’ai jamais entendu dire que Boileau eût fait de pareilles critiques ; je sais seulement qu’il engagea mon père à supprimer une scène entière de cette pièce, avant que de la donner aux comédiens, et par cette raison cette scène n’est encore connue de personne. Ces deux amis avaient un égal empressement à se communiquer leurs ouvrages avant que de les montrer au public, égale sévérité de critique l’un pour l’autre, et égale docilité. Voici cette scène que Boileau avait conservée, et qu’il nous a remise : elle était la première du troisième acte.
BURRHUS, NARCISSE
BURRHUS
Quoi, Narcisse au palais obsédant l’Empereur,
Laisse Britannicus en proie à sa fureur,
Narcisse, qui devrait d’une amitié sincère
Sacrifier au fils tout ce qu’il tient du père ?
Qui devrait en plaignant avec lui son malheur,
Loin des yeux de César détourner sa douleur ?
Voulez-vous qu’accablé d’horreur, d’inquiétude,
Pressé du désespoir qui suit la solitude,
Il avance sa perte en voulant l’éloigner,
Et force l’Empereur à ne plus l’épargner ?
Lorsque de Claudius l’impuissante vieillesse
Laissa de tout l’empire Agrippine maîtresse,
Qu’instruit du successeur que lui gardaient les dieux,
Il vit déjà son nom écrit dans tous les yeux ;
Ce prince à ses bienfaits mesurant votre zèle,
Crut laisser à son fils un gouverneur fidèle,
Et qui sans s’ébranler verrait passer un jour
Du côté de Néron la fortune et la cour.
Cependant aujourd’hui sur la moindre menace,
Qui de Britannicus présage la disgrâce ;
Narcisse qui devait le quitter le dernier,
Semble dans le malheur le plonger le premier :
César vous voit partout attendre son passage.
NARCISSE
Avec tout l’univers je viens lui rendre hommage,
Seigneur : c’est le dessein qui m’amène en ces lieux.
[...]
Racine, Œuvres complètes, I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1999, p. 1136-1139
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