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1668

André Félibien, Relation de la fête de Versailles du 18 juillet 1668

Paris : P. Le Petit, 1668

Les illuminations du château

Dans sa relation de la fête de Versailles du 18 juillet 1668, Félibien insiste sur les effets de surprise permanente. A la fin du bal conclusif, le spectacle des illuminations qui entourent le château donne l’illusion d’un incendie. Il est suivi du feu d'artifice.

Pendant que dans un séjour si charmant, leurs Majestés et toute la cour prenaient le divertissement du bal, à la vue de ces beaux objets, et au bruit de ces eaux qui n’interrompait qu’agréablement le son des instruments ; l’on préparait ailleurs d’autres spectacles dont personne ne s’était aperçu, et qui devaient surprendre tout le monde. Le sieur Gissey outre le soin qu’il avait pris du lieu où le Roi avait soupé, et des desseins de tous les habits de la comédie, se trouvant encore chargé des Illuminations qu’on devait mettre au Château, et en plusieurs endroits du parc, travaillait à mettre toutes ces choses en ordre, pour faire que ce beau divertissement eût une fin aussi heureuse et aussi agréable, que le succès en avait été favorable jusques alors : ce qui arriva en effet par les soins qu’il y prit. Car en un moment toutes les choses furent si bien ordonnées, que quand leurs Majestés sortirent du bal, elles aperçurent le tour du fer à cheval et le château tout en feu, mais d’un feu si beau et si agréable, que cet élément qui ne paraît guère dans l’obscurité de la nuit sans donner de la crainte et de la frayeur, ne causait que du plaisir et de l’admiration. Deux cents vases de quatre pieds de haut de plusieurs façons, et ornés de différentes manières, entouraient ce grand espace qui enferme les parterres de gazon, et qui forme le fer à cheval. Au bas des degrés qui sont au milieu, on voyait quatre figures représentant quatre fleuves ; et au-dessus, sur quatre piédestaux qui sont aux extrémités des rampes, quatre autres figures, qui représentaient les quatre parties du monde. Sur les angles du fer à cheval et entre les vases, il y avait trente-huit candélabres ou chandeliers antiques de six pieds de haut. Et ces vases, ces candélabres, et ces figures étant éclairées de la même sorte que celles qui avaient paru dans la frise du salon où l’on avait soupé, faisaient un spectacle merveilleux. Mais la cour étant arrivée au haut du fer à cheval, et découvrant encore mieux tout le château, ce fut alors que tout le monde demeura dans une surprise qui ne se peut connaître qu’en la ressentant. Il était orné de quarante-cinq figures : dans le milieu de la porte du château, il y en avait une qui représentait Janus ; et des deux côtés dans les quatorze fenêtres d’en bas, l’on voyait différents trophées de guerre. À l’étage d’en haut, il y avait quinze figures qui représentaient diverses Vertus, et au-dessus, un Soleil avec des lyres, et d’autres instruments, ayant rapport à Apollon, qui paraissaient en quinze différents endroits. Toutes ces figures étaient de diverses couleurs, mais si brillantes et si belles, que l’on ne pouvait dire si c’étaient différents métaux allumés, ou des pierres de plusieurs couleurs qui fussent éclairées par un artifice inconnu. Les balustrades qui environnent le fossé du château, étaient illuminées de la même sorte, et dans les endroits où durant le jour on avait vu des vases remplis d’orangers et de fleurs, l’on y voyait cent vases de diverses formes allumés de différentes couleurs. De si merveilleux objets arrêtaient la vue de tout le monde, lorsqu’un bruit qui s’éleva vers la grande allée, fit qu’on se tourna de ce côté-là, aussitôt on la vit éclairée d’un bout à l’autre, de soixante et douze termes faits de la même manière que les figures qui étaient au château, et qui la bordaient des deux côtés. De ces termes il partit en un moment un si grand nombre de fusées, que les unes se croisant sur l’allée faisaient une espèce de berceau, et les autres s’élevant tout droit, et laissant jusques en terre une grosse trace de lumière, formaient comme une haute palissade de feu. Dans le temps que ces fusées montaient jusques au ciel et qu’elles remplissaient l’air de mille clartés plus brillantes que les étoiles, l’on voyait tout au bas de l’allée, le grand bassin d’eau qui paraissait une mer de flammes et de lumière, dans laquelle une infinité de feux plus rouges et plus vifs semblaient se jouer au milieu d’une clarté plus blanche et plus claire.

                Relation disponible sur Gallica dans son éditionillustrée de 1679, p. 39-40.

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