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1699
Elisabeth-Charlotte de Bavière – Princesse Palatine, Correspondance de Madame, Duchesse d'Orléans
Longue description d'un bal masqué
Dans cette lettre à la Duchesse de Hanovre datée du 8 février 1699, la Palatine décrit le bal masqué de Marly. On voit les éléments qui comptent pour un destinataire qui n'a pas assisté au bal : mention des personnes présentes et du rôle qu'elles ont tenu, description des costumes... jusqu'aux petits accidents de la représentation :
Il faut que je vous raconte comment s’est passé le bal masqué de Marly. Jeudi, le roi et nous tous nous avons soupé à neuf heures. Après le souper, on se rendit au bal qui commença à dix heures. À onze heures arrivèrent les masques. On vit entrer une dame haute et large comme une tour, c’était M. le duc de Valentinois, fils de M. de Monaco. Il est très grand. Cette dame avait une mante qui lui descendait jusqu’aux pieds. Arrivée au milieu de la salle elle entrouvrit la mante ; il sauta dehors rien que des figures de la comédie italienne : Arlequin, Scaramouche, Polichinelle, le Docteur, Briguelle, et un paysan. Ils se mirent à danser bien gentiment. M. de Brionne faisait Arlequin, le comte d’Ayen, Scaramouche, mon fils, Polichinelle, le duc de Bourgogne, le Docteur, La Vallière, Briguelle, le prince Camille, le paysan.
M. le Dauphin arriva avec une autre troupe tous bien drôlement masqués : ils changèrent d’habits trois ou quatre fois. Sa compagnie était composée de la princesse de Conti, Mlle de Lislebonne, Mme de Chantillon et le duc de Villeroy. Les ducs d’Anjou et de Berry avec leurs gens formaient une troisième bande de masques ; la duchesse de Bourgogne et les dames la quatrième ; Mme de Chartres, Mme la Duchesse, Mme d’Armagnac, Mme la duchesse de Villeroy, Mlle de Tourbe, fille du maréchal d’Estrées, et Mlle de Melun la cinquième. Le bal dura jusqu‘à deux heures moins un quart…
… Vendredi… toutes les dames étaient fort parées en robe de chambre ; la duchesse de Bourgogne était en beau masque, habillée coquettement à l’espagnole avec un petit chapeau… Mme de Mongon en collet monté, Mme d’Agen, en habillement de théâtre comme sont costumées les déesses ; la comtesse d’Estrées à l’ancienne mode française et Mme Dangeau à l’ancienne mode allemande.
Une demi-heure après vinrent sept à huit masques qui dansèrent une entrée d’opéra avec des guitares, à savoir mon fils, le comte d’Ayen, le prince Camille et La Vallière, en habits d’hommes ridicules, M. le Dauphin, M. d’Antin et M. de Brionne en dames, avec robes de chambre, cornettes, écharpes, et tous de cheveux blonds bien plus hauts qu’on ne les porte d’ordinaire. Ces trois messieurs sont presque aussi gros l’un que l’autre ; ils portaient de tout petits masques noirs et rouges avec des mouches. Ils dansaient par haut. D’Antin se démenait tellement qu’il culbuta M. de Brionne, lequel tomba sur le derrière, juste aux pieds de la reine d’Angleterre. Vous pouvez imaginer quels éclats de rire on fit. Peu après mon cher duc de Berry alla se déguiser en baron de la crasse, et revint danser tout seul une entrée bien drôle…
Correspondance de Madame, Duchesse d'Orléans, Paris, A. Quantin, vol. I, 1880.
En ligne sur Gallica, p. 217-219.
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