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1672

Paul Pellisson, Lettres historiques de M. Pellisson

Paris, Didot, 1729.

Émotion lors d'une messe

Cette lettre écrite le 15 juillet 1672 depuis le camp de Rok dans le contexte de la guerre de Hollande, fait le récit d'une messe qui a suscité beaucoup d'émotion. S'il ne s'agit pas d'un spectacle théâtral, les critères qui sont mobilisés (mention de la foule, description de la scénographie de l'événement, réception par l'assistance) sont sensiblement les mêmes que ceux qui permettent de juger d'une tragédie :

Le Cardinal de Bouillon fit ce jour-là même la cérémonie de rebénir [sic] la grande église d'Utrecht, qui fut rendue aux catholiques. Cela se fit de sa part avec beaucoup de dignité. Le clergé, assez nombreux et extrêmement propre le fut prendre à son logis, qui était la maison du Pape Adrien. Il alla à pied à la procession, jusques à l'église précédé par ce clergé, qui chantait des versets, des psaumes et suivi de quelques Français, du nombre desquels je fus, et d'une grande foule de peuple catholique. Il fit la bénédiction de deux cimetières, puis celle de l'église en la forme ordinaire ; enfin y célébra la messe pontificalement, qui fut même chantée en musique assez bien, et avec des orgues par ce même clergé. Cette église la plus grande que je connaisse après Notre-Dame, était pleine de catholiques d'un bout à l'autre, qui laissaient à peine un passage pour la procession, et n'en auraient pas laissé du tout si leur respect et leur dévotion n'eussent encore surpassé leur curiosité. Jamais on n'a vu tant de gens pleurer de joie à la fois. Il était difficile de n'en être pas attendri, quantité de personnes de la ville communièrent de la main du Cardinal, et il s'en présenta beaucoup d'autres qui ne purent, parce qu'il ne s'y était pas attendu.

Paris, Didot, 1729, t. I, p. 241-242.


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