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1677
[Anonyme], Dissertation sur les tragédies de Phèdre et Hippolyte
Paris : Ch. De Sercy, 1677
Un jeu de théâtre peu vraisemblable
Dans son analyse scène à scène de la tragédie Phèdre de Racine, l’auteur anonyme s'arrête sur l'invraisemblance de la scène II, 4 - celle dans laquelle Phèdre se déclare à Hippolyte et lui dérobe son épée - , sur le plan de l'action comme du jeu qu'elle implique.
Cette épée tirée est un incident à faire pitié, qui n’a ni fondement, ni vraisemblance ; car si M. Racine a eu quelque sujet d’exposer à nos yeux cette violence action, c’est assurément pour donner un beau jeu à sa pièce, et pour servir de preuve contre Hippolyte, à qui on veut dans la suite supposer un crime ; et cette épée restée entre les mains de Phèdre, loin d’être une conviction de la violence qu’on impute à ce Prince, ne peut pas même raisonnablement inspirer un soupçon semblable ; embarrasse-t-on ses mains d’une épée quand on veut violer une femme ? est-ce avec ces armes qu’on exécute un pareil dessein ? peut-on concevoir seulement l’idée d’une semblable violence contre une Reine qui n’est jamais sans suite, qui a toujours quelques filles auprès d’elle, qui est dans un palais entouré de Gardes, et principalement en plein jour, où le concours de mille gens différents empêche un si extravagant dessein ? Il n’est pas vraisemblable non plus qu’Hippolyte demeure comme une souche après qu’on lui a pris son épée, et si l’on peut lui pardonner de s’être laissé désarmer dans la surprise d’une déclaration si horrible, la vraisemblance et le sens commun veulent que cette stupidité se dissipe, au moins quand il se voit désarmé, et qu’il fasse quelque effort pour retirer son épée des mains de ces femmes, qui s’en pouvaient servir de tant de dangereuses façons ; les gens d’épée savent quel mouvement on sent quand on est désarmé, et s’il est possible qu’on laisse tranquillement emporter son épée, quelque surprise dont on soit frappé : mais quoi, ces femmes en ont besoin, il faut leur laisser, c’est de quoi faire une belle intrigue ; et quand on cherche des jeux de théâtre, il ne faut pas être si critique, ni si réservé.
Racine, Œuvres complètes, I, Paris,Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1999, p. 889
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