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1644

Jean-Louis Guez de Balzac, Du caractère ou de l'instruction de la comédie

Paris : P. Rocolet, 1644

Un spectateur poussé à bout

Dans ce court texte théorique sur la comédie, Balzac évoque la comédie italienne à travers une anecdote plaisante :alors qu'un sénateur de Venise assistait à une représentation théâtrale à Vicence, il perd patience devant le sérieux des comédiens:

Il assistait à la représentation d’une pièce remarquable par ces belles choses, admirée de tous les habiles de la ville et de toute une académie, qui était présente. Lui seul pâtissait extrêmement dans cette commune joie ; et après plusieurs mines de dégoût et plusieurs branlements de tête, qui témoignaient assez le peu de satisfaction qu’on lui donnait, il se leva deux ou trois fois de son siège et s’essuya le front avec son mouchoir. Le troisième acte étant à la fin venu, où Cinthio voulait continuer de discourir de la nature des passions, et s’étant tiré le mieux qu’il avait pu d’un point de morale, s’allait jeter à corps perdu dans une question de physique, la patience échappa tout d’un coup au bon sénateur. Il avait un poncire en la main, qu’il jeta à la tête du discoureur avec ces paroles : Buffon fa me rider.
Ils sont donc ridicules ces faux sérieux, et sont ridicules sans pouvoir faire rire les sénateurs de Venise, parce qu’ils sont ridicules sans être plaisants. Ils sont sages et habiles hors de saison. Ils imitent mal, pour vouloir imiter trop éloquemment, et quittent l’ordinaire et le bon pour chercher le rare et le mauvais.

éd. R. Zuber, Paris, Champion, p. 126


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