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1704

Jean-Laurent Le Cerf de la Viéville, Comparaison de la musique italienne et de la musique française

Bruxelles : F. Foppens, 1704

Le jugement du peuple

Le Cerf décrit dans le "sixième dialogue" l'émotion qui gagne le public et qui se répand à tous les étages de manière à former un public unanimement saisi par le ravissement:

Aux trois premières représentations d’un opéra, ne nous occupons que de nous-mêmes, nous serons assez occupés ; à moins qu’un grand usage ne nous laissât une liberté d’esprit singulière. Mais à la quatrième et aux suivantes, appliquons-nous à étudier comment et combien le peuple sera touché : le prix et le degré de prix des pièces se connaîtra certainement par l’impression et par la vivacité de l’impression qu’elles feront sur le cœur du peuple. Lorsqu’Armide s’anime à poignarder Renaud, dans cette dernière scène du deuxième acte, j’ai vu vingt fois tout le monde saisi de frayeur, ne soufflant pas, demeurer immobile, l’âme toute entière dans les oreilles et dans les yeux, jusqu’à ce que l’air de violon, qui finit la scène, donnât permission de respirer ; puis respirant là avec un bourdonnement de joie et d’admiration. Je n’avais que faire de raisonner. Ce mouvement unanime du peuple me disait fort sûrement que la scène est ravissante.

Extrait signalé par L. Naudeix 
Bruxelles : F. Foppens, 1704, p 329-330.


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