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1637

Jean-Louis Guez de Balzac, Lettres

Paris, Billaine, 1665.

Le public plus fort que la théorie

Cette lettre à Scudéry du 27 août 1637, adressée en pleine querelle du Cid, est plutôt de l'ordre de la réflexion théorique. Le rôle que Balzac donne au public est toutefois intéressant :

Or s’il est vrai que la satisfaction des spectateurs soit la fin que se proposent les spectacles et que les maîtres même du métier ayant quelque fois appelé de César au Peuple, le Cid du poète français ayant plu aussi bien que la fleur du poète grec, ne serait-il point vrai qu’il a obtenu la fin de la représentation et qu’il est arrivé à son but, encore que ce ne soit pas par le chemin d’Aristote ni par les adresses de sa poétique ? Mais vous dites qu’il a ébloui les yeux du monde et vous l’accusez de charme et d’enchantement. Je connais beaucoup de gens qui feraient vanité d’une telle accusation et vous me confesserez vous-même que la magie serait une chose excellente si c’était une chose permise. […] C’est ce que vous reprochez à l’auteur du Cid qui vous avouant qu’il a violé les règles de l’art, vous oblige de lui avouer qu’il a un secret qui a mieux réussi que l’art même et ne vous niant pas qu’il a trompé toute la Cour et tout le peuple, ne vous laisse conclure delà, sinon qu’il est plus fin que toute la Cour et que tout le Peuple et que la tromperie qui s’étend à un si grand nombre de personnes est moins une fraude qu’une conquête. Cela étant, Monsieur, je ne doute point que les Messieurs de l’Académie ne se trouvent bien empêchés dans le jugement de votre procès et que d’un côté, vos raisons ne les ébranlent et de l’autre l’approbation publique ne les retienne. Je serais en la même peine si j’étais en la délibération. […] Ainsi vous l’emportez dans le cabinet et il gagne au théâtre. […] Si Aristote trouve quelque chose à désirer en sa conduite, il doit le laisser jouir de la bonne fortune et ne pas condamner un dessein que le succès a justifié.

Correspondance disponible sur Gallica, 542-543.


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