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1645

Doulceur, Lettre de Doulceur à Godefroy

Long compte-rendu de ballet

Cette lettre de la dernière semaine de février 1645 adressée d'un ami (Doulceur, diplomate attaché au comte d'Avaux) à un autre (Godefroy) comprend la relation d'un ballet :

Le ballet fut dansé dans la maison de ville le mardi gras 28 février, et ce pour tous les bourgeois. Et, pour mieux entendre, vous saurez que M. d'Avaux donna à dîner au bourgmestre et deux assistants de cette ville et à plusieurs autres de qualité. Le dîner fini, parut un joueur de gobelets, qui fit merveilles. M. d'Avaux fit donner des plats pleins de confitures aux bourgeoises qui étaient là pour voir. Après, tous ces messieurs prirent congé de M. d'Avaux et s'en vinrent à la maison de ville, où se dansa le ballet. L'entrée du ballet est un vieil homme qui représente le Temps ; l'autre, deux villageois avec bâtons et paniers : dans l'un deux petits cochons, et dans l'autre un gros oison, qui sortait son col hors du panier d'une demi-aulne de Paris ; et criaient et grognaient à merveilles. Y vint deux soldats les surprendre, et les volèrent, et jouèrent entre eux deux à qui aurait le butin, et se battirent. Après vint un juge de village, avec une grand'robe pleine de sacs, et, en dansant, trouva une épée que ses voleurs avaient laissée, et jeta sa robe, et escrima avec. Après, deux gentilshommes et bourgeois de Munster ruinés, qui déploraient la calamité du temps. Mercure vint danser avec eux et demeura tout seul ; et après vinrent quatre Nations, le Français, l'Allemand, l'Italien, l'Espagnol, qui faisaient signe de s'accorder. Mais la Discorde vint, qui les désunit et chassa, et dansa toute seule. Après, la Paix accompagnée de deux filles, et chanta sa chanson et s'en retourna sans danser ; après, elle revint danser avec ses deux filles. Après, deux bourgeois et bourgeoises de Munster, parés de leur plus beaux habits. Après, deux servantes, avec leurs coiffures et gestes que je vous dépeindrai autre part. Après, un débauché avec deux garces ; après, ce même revint ivre après le grand ballet, où étaient la Paix, tenant la Discorde enchaînée, les deux filles de la Paix, les quatre Nations et Mercure ; et dansèrent tous ensemble, et finit ainsi. Au reste, je puis vous bien assurer qu'ils ont dansé tout ce qu'il se peut bien.

Reproduite aussi dans L. Lalande, « Deux pièces extraites de la collection Godefroy: II. Ballet dansé à Munster, 1645 », Notes et documents publiés pour la Société de l’Histoire de France, Paris, Renouard, 1884, p. 335.

Lettre signalée par Ellen Welch. 


Pour indiquer la provenance des citations : accompagner la référence de l’ouvrage cité de la mention « site Naissance de la critique dramatique »