Le sieur Angelo m'avait dit, quelque temps auparavant, que le sieur Molière, qui était de ses amis l'ayant un jour rencontré dans le jardin du Palais-Royal, après avoir parlé de nouvelles de théâtre et d'autres, le sieur Angelo lui dit qu'il avait vu représenter en italien, à Naples, une pièce intitulée Le Misanthrope, et que l'on devrait traiter ce sujet. Il lui en rapporta tout le sujet et même quelques endroits particuliers qui lui avaient paru remarquables, et, entre autres, le caractère d'un homme de Cour fainéant qui s'amuse à cracher dans un puits pour y faire des ronds. Molière l'écouta avec beaucoup d'attention, et, quinze jours après, le sieur Angelo fut surpris de voir, dans l'affiche des comédiens français où était Molière, qu'ils promettaient Le Misanthrope, comédie de M. de Molière ; et trois semaines en tout, au plus tard un mois après, on représenta cette pièce. Je lui répondis là-dessus qu'il n'était pas possible qu'une aussi belle pièce que celle-là, en cinq actes, et dont les vers sont fort beaux, eût été faite en aussi peu de temps. Il me répondit là-dessus que cela paraissait incroyable, mais qu'il n'en doutait point, parce qu'il le savait d'original, et que tout ce qu'il venait de me dire était très véritable, n'ayant aucun intérêt en cette pièce pour déguiser la vérité.