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[s. d.]

Marc-Antoine Girard de Saint-Amant, L'Albion

éd. Livet, Paris : impr. de Maulde et Renou, 1852.

Le théâtre anglais

Dans cette relation de voyage écrite sur un mode satirique, Saint-Amant consacre une dizaine de strophes à la description du jeu des comédiens anglais :

Notre admirable Corneille,
Et mon rare Colletet,
Mettront au jour un motet
Qui t'étrillera l'oreille : Les chers l'Etoile et Baro
Feront ensemble un haro
Sur tes plates comédies ;
Et cent autres voix hardies T’accoutreront en zéro.

On n'a que faire d'entendre
Tes Carmes durs et glacés ; C'est de l'Anglais, c'est assez ; Ils seront réduits en cendre : Mais laissons là tes auteurs,
Laissons-là tes vanteurs
Dignes du même supplice,
En rentrant dans notre lice
Bernons un peu tes acteurs.

Nos moindres joueurs de farces Valent tous ces histrions ; Par pitié nous en rions
Entre des sots, et des garces : Ces landores, ces benêts,
Parlant en vrais sansonnets
Qui ne savent ce qu'ils chantent,
Les amoureux représentant
Chapeaux-entés-sur-bonnets.

Un Roi pétune en sa chaise
Tandis qu'un bègue discourt ; L'un est borgne, l'autre est sourd
Et n'a ni rabat ni fraise : L'autre atteint du mal des dents
Étonne les regardants
De sa joue enveloppée ; Et l'autre fait la poupée
Au gré des yeux impudents.

Ici, l'un trop tôt se montre ;
Et là, l'autre rebondi,
D'un contre-temps étourdi,
Heurte l'autre qu'il encontre : L'un disant Gots pour Romains,
Ou les dieux pour les humains,
Rougit comme une écrevisse ;
Et l'autre simple et novice,
Ne sait où mettre ses mains.

Quelquefois pour intermède,
Leurs plats et maigres bouffons
Osent, dessous les chiffons,
Jouer la pauvre Andromède : Quelquefois venus des cieux,
Ils dansent droits comme pieux
Des moralités muettes,
Ou de sottes pirouettes,
Ils éblouissent les yeux.

Entrechats et cabrioles,
(Dieu sait combien à propos)
Répondent d'un pied dispos,
Tant aux sistres qu'aux violes : Et le roi des instruments,
Diffamé de tremblements,
Dont le cliquetis me tue ; Et rebec se prostitue
À ces gosses mouvements.

Saint-Amant, Œuvres,éd. J. Lagny, Paris, Marcel Didier, t. III, 1969, pp. 322-326.
Extrait signalé par B. Louvat-Molozay


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