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1671
Charles Robinet, Lettres en vers
Paris, Chenault, 1671.
Critique de l'Atalante
Le 9 mai 1671, Robinet consacre un assez long compte-rendu à l'Atalante de Boyer, créée par l'Hôtel de Bourgogne :
Jasons un peu de l’Atalante,
De cette pièce si galante,
Qu’au grand théâtre Bourguignon,
Boyer, auteur de renom,
Et d'une si fertile veine,
Expose, depuis la huitaine.
Qui, dans la fable, a mis le nez,
S’il n’a des talents fort bornés,
Sait tout le sujet et de reste,
Savoir qu’un oracle céleste,
À cette belle ayant prédit,
Que le Dieu d’Hymen remplit
Les vœux de mainte créature,
Lui causerait mal-Aventure,
Au lieu des plaisirs les plus doux
En cas qu’elle prit un époux,
Elle s’avisa pour ressource
De n’en prendre aucun qu’à la Course
[Robinet fait un résumé de l'histoire]
Je dis que l’avis de ma muse
Est que Boyer a tout à fait
Bien ajusté ledit sujet
Que l’on y trouve des manières
D’aimer et haïr singulières
Des caractères tout nouveaux
Fort bien soutenus et fort beaux,
Maintes tirades admirables
Plusieurs scènes incomparables,
Tout plein de brillants, beaucoup d’art,
De sorte qu’à parler sans fard,
C’est la plus agréable chose
Que Boyer depuis qu’il compose
Ait, sur le théâtre, fait voir
Et je ne saurais concevoir
Comme à ce chef-d’oeuvre, le Monde
De tous les deux sexes n’abonde.
Je me tais ici des concerts,
Des charmants récits, des beaux airs
Composés par le plus rare homme [Mr M]
Qui soit de Paris jusqu’à Rome
Et, bref de tous les agréments
Qui font les assaisonnements
De cette pièce si mignonne
Qui, certes, en beauté, foisonne.
Mais je serais un franc Thibaut,
Si, de la belle Dennebaut,
Je n’écrivais pas quelques lignes
Lesquelles en soient un peu dignes :
Remarquant qu’illec ses attraits
Font, je vous l’assure, florès,
En représentant Atalante,
Las ! D’une façon si charmante,
Qu’en dût-on mille fois mourir,
On serait tout prêt de courir,
Dans l’aimable Lice, avec elle,
Ma croyance, du moins, est telle.
Le moderne Hypomène, ici
Champmêlé remplit bien, aussi,
Son rôle, de toute manière :
Et je crois que, dans la carrière,
Il pourrait ne demeurer point,
Quoi qu’il ait assez d’embonpoint.
Sa femme, un tant soit peu moins pleine,
Fans, dans la pièce, une Climène,
Avec tant de grâce et d’appâts,
Qu’à chaque mot, à chaque pas,
Quoi qu’elle puisse faire ou dire,
La mignarde brune on admire.
Certain Hydas est son amant,
Représenté pareillement
De très bon air par Hauteroche.
Et pour n’avoir aucun reproche,
J’ajoute que chacun d’iceux
Est, de pied-en-cape, mis des mieux,
Id est, de façon fort brillante,
Tout de même que fort galante,
Ainsi que La Fleur, illec, Roi,
Tentant très bien son quant-à-soi,
Et confidents et confidentes,
Ce sont toutes choses constantes :
Mais, lecteur, demain, allez-y,
Et vous verrez si vrai je dis.
Charles Robinet, Lettres en vers à Monsieur, Paris, Chenault, 1671. [Mazarine, 296-A5-RES]
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