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ca. 1667

Samuel Chappuzeau, L'Europe vivante ou la relation nouvelle historique et politique de tous ses états

Genève : Chez Jean Herman Widerhold, 1667-1669.

Situation du théâtre en Angleterre

Dans le tableau consacré à la description des îles britanniques, Chappuzeau fait état de la situation du théâtre à cette date, non sans comparaison avec la France :

Comme le roi aime fort la poésie et le théâtre, tous ces illustres auteurs contribuent à divertir sa majesté, quand elle veut se délasser des grandes affaires, et ne sont pas de la sorte les membres les moins utiles de l'État. Mais il faut remarquer qu'en Angleterre la prose a plus de part au théâtre que les vers ; et qu'encore que la poésie et particulièrement l'anglaise ait des douceurs qui charment l'oreille, l'autre étant plus naturelle, on juge qu'elle approche plus du vraisemblable, qui est le grand but de la comédie, où l'on donne peu souvent. La cour d'Angleterre n'étant pas moins polie ni moins galante que la cour de France, et le peuple de Londres n'aimant pas moins ses plaisirs que le peuple de Paris, il ne faut pas s'étonner si l'on voit dans chacune de ces deux maîtresses villes, dont la grandeur, la magnificence et la richesse sont incomparables, trois maisons destinées à ce noble divertissement. Il y a donc à Londres trois troupes d'excellents comédiens : la troupe royale qui joue tous les jours pour le public, et d'ordinaire tous les jeudis après souper à Vitthal ; la troupe de Monsieur, Frère unique du roi, dans la place de Lincoln, qui réussit admirablement dans la machine, et qui va maintenant du pair avec les Italiens ; et une troisième en Drury Lane, qui a grand abord. Il y a une autre troupe entretenue à Norwich, l'une des bonnes villes du royaume, et le séjour de toute la noblesse du pays, sans compter les troupes de campagnes, où se fait le noviciat des comédiens. Il faut ajouter que ces trois maisons de Londres sont pourvues de gens bien faits, et surtout de belles femmes ; que leurs théâtres sont superbes en décorations, et en changements ; que la musique y est excellente et les ballets magnifiques ; qu'elles n'ont pas moins de douze violons chacune pour les préludes et pour les entractes ; que ce serait un crime d'employer autre chose que de la cire pour éclairer le théâtre, et de charger les lustres d'une matière qui peut blesser l'odorat ; et enfin, quoiqu'on joue tous les jours, que ces maisons ne désemplissent jamais et que cent carrosses barricadent les avenues.

Relation en ligne sur Google Books, édition de 1671, p. 214-215.


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